Ambroise Louis Garneray né le à Paris où il est mort le , est un corsaire, peintre
de la Marine, dessinateur, graveur et écrivain
français,
précurseur du roman d'aventure maritime. Il connut une vie
d’aventurier
avec Surcouf et Dutertre, il fut huit ans prisonnier des
Britanniques.Fils aîné de Jean-François Garneray, peintre
du roi, qui
fut élève de Jacques-Louis David, Ambroise Louis Garneray
est né rue
Saint-André-des-Arts, dans le quartier latin. À l’âge de
treize ans, il
s’engage dans la marine comme pilotin à l'incitation de
son cousin,
Beaulieu-Leloup, capitaine de la frégate La Forte
et embarque à
Rochefort pour donner corps à ses rêves d’aventures et de
gloire. Il
part pour l’océan Indien avec la division de frégates
Sercey à laquelle
appartient la Forte.Toute sa carrière maritime se
déroule dans
l’océan Indien avec l’île de France (actuelle île Maurice)
et
accessoirement l’île Bourbon (la Réunion) comme bases. Il
participe aux
différentes campagnes de la division Sercey et connaît son
baptême du
feu lors de la bataille contre les vaisseaux de ligne Arrogant
et Victorious. Il sert ensuite en 1798 sur la
corvette Brûle
Gueule qui croise en compagnie de la frégate la Preneuse.
Au retour de la croisière, il participe au second combat
de la Rivière
Noire où les deux modestes bâtiments français réussissent
à repousser
deux vaisseaux britanniques. En 1799, il est timonier et
« premier
peintre du bord » sur la Preneuse sous les
ordres du
capitaine Jean-Marthe-Adrien Lhermitte. La frégate est la
dernière
force officielle française de tout l'océan Indien. Cette
croisière va
de catastrophe en désastre, malgré un combat exceptionnel
contre le
vaisseau britannique le Jupiter. Au retour à l'île
de France,
alors que son équipage est décimé par le scorbut, la Preneuse
échouée et démâtée doit se rendre aux forces britanniques
faisant le
blocus de l'île. Garneray échappe à la captivité en
regagnant la côte à
la nage. Malgré le désastre de la campagne, Garneray
gardera une
admiration sans borne et une grande amitié pour le
capitaine Lhermitte
qu'il continuera à visiter jusqu'à la mort de celui-ci en
1826.Faute de
navires officiels, il s’engage sur La Confiance de
Surcouf
comme enseigne, d’avril à décembre 1800. Il participe à la
prise à
l'abordage du Kent, l’exploit le plus célèbre du
corsaire, en
octobre 1800. Ce sera la seule occasion pour laquelle
Garneray gagnera
un peu d’argent en tant que marin. Au retour, malgré ses
dénégations
peu crédibles dans ses mémoires écrits bien des années
plus tard alors
que la traite des Noirs
est
interdite, il investit ses parts de prise dans un bâtiment
négrier La
Doris sur lequel il est capitaine en second. Il
navigue sur
différents navires marchands pendant la paix d'Amiens puis
sert à la
reprise de la guerre sur un cotre, le Pinson basé
à l'île
Bourbon. Il remplace le commandant décédé, mais fait
naufrage peu
après. Il sert ensuite sur le corsaire le Tigre du
Bengale et
enfin sur la frégate l'Atalante attachée à
l'escadre Linois. Un
certain 'Ambroise Garnarai' est indiqué comme 'novice de
la corvette la Brule-gueule en 1804-51. Il est
ensuite sur la Belle Poule
prise en mars 1806 en même temps que le vaisseau le Marengo,
alors que Linois essaie de regagner la France. Blessé, il
est conduit
au Royaume-Uni et passe les huit années suivantes dans
l'enfer des
pontons en rade de Plymouth : successivement sur le Protée,
la Couronne et la Vengeance. Il met cet
enfermement à
profit pour peindre, ce qui lui permet d’améliorer son
ordinaire, grâce
aux commandes d’un marchand de tableaux
britannique.« Excepté la
piraterie, je crois que j'ai pratiqué à peu près tous les
genres de
navigation. »En 1814 la guerre prend fin, libéré le
18 mai, à son
retour du Royaume-Uni il ne trouve pas d’emploi dans la
marine
commerciale et reste à Paris où il se consacre à la
peinture.
Probablement grâce à l'un de ses frères, lui-même peintre
et graveur et
qui a ses entrées dans l'entourage de l’Empereur de
retour, il reçoit
sa première commande officielle : la rencontre de l'Inconstant
et du Zéphir, anecdote du retour de
l'île d'Elbe. En fait il ne réalisera cette toile
qu'en 1834,
car il juge plus opportun dans l’immédiat de la Seconde
Restauration de
peindre une « Descente des émigrés
français à Quiberon » qui lui permet d’exposer au Salon de Paris de 1815. Il
sera toutes les
années suivantes un habitué de ce Salon.Employé par le duc
d’Angoulême,
alors grand amiral de France, il devient par concours son
peintre
attitré en 1817. Il est de ce fait le premier peintre
officiel de la Marine, corps qui ne sera
constitué que quelques
années plus tard avec Gudin
et Hué,
corps qui existe toujours au sein de la marine nationale.
Entre 1821 et
1830, il se rend dans de nombreux ports de France où il
réalise
d’innombrables croquis qui serviront de base à des
gravures ou des
toiles. Il illustre aussi la bataille de Navarin.En 1833,
il est nommé
directeur du musée de Rouen. Puis il intègre la
Manufacture nationale
de Sèvres. Il développe dans les années 1830 un nouveau
procédé de
peinture, l'aquatinte et développe aussi une importante
activité de
gravure. Dans les années 1840, sa renommée semble s'être
estompée et il
perd la plupart de ses appuis politiques et vit assez
pauvrement.
Proche de Napoléon III, dont il avait participé au coup
d'État manqué
de Strasbourg, il connaît un bref retour de gloire au
début du Second
Empire : il reçoit la Légion d'honneur en 1852 des
mains du
vice-amiral Jacques Bergeret et est même reçu par
l'Empereur.Atteint
d’un tremblement qui l’empêche d’écrire et qui complique
son travail de
peintre, il meurt quelques mois seulement avant le
mystérieux
assassinat de son épouse. Garneray est inhumé au cimetière Montmartre, où l’un
de ses
proches lui a consacré une stèle sculptée de motifs
rappelant divers
aspects de sa vie (entre autres une palette de peinture,
un mât de
bateau et la croix de la Légion d'honneur).L’œuvre
picturale de
Garneray se compose de 141 tableaux, 176 gravures et 22
aquarelles. Une
partie de ses travaux est directement inspirée par sa vie
aventureuse,
telle la toile la Prise du Kent par Surcouf,
l’autre entre dans
le cadre de sa fonction de peintre de la marine, dans la
droite ligne
de Claude Joseph Vernet et Nicolas Ozanne. Il réalise
notamment 64 vues
de ports français et 40 vues de ports étrangers
(gravures), suite aux
voyages effectués dans les années 1820. Certaines d’entre
elles sont
données à la Chambre de Commerce de Paris par l’industriel
chocolatier
Meunier. Ses deux frères Hippolyte et Auguste, ainsi que
sa sœur
Pauline, ont également pratiqué la peinture, dans une
moindre mesure.
Cela explique les variations de signatures (tantôt
Garneray, tantôt
Garnerey), qui devaient servir à distinguer l'un ou
l'autre des membres
de cette dynastie de peintres.Dans son livre Moby Dick
(1851),
l'écrivain américain Herman Melville critique sévèrement
les
différentes représentations des cétacés, cachalots et
baleines,
réalisées par les différents peintres mondiaux, à
l'exception de deux
estampes françaises faites d'après les peintures de
Garneray.
« Entre toutes, et de très loin les meilleures et les
plus
réussies des gravures donnant des baleines et des scènes
de pêche, même
si quelques petits détails ne sont pas d'une précision
très absolue, ce
sont deux estampes françaises, faites d'après les
peintures d'un
certain Garneray2 ».
Un
peu plus loin l'auteur américain précise : « Qui
est ce
Garneray ? le peintre, où qui il fut, je l'ignore.
Mais je suis
prêt à jurer sur ma vie ou bien qu'il a réellement
pratiqué son sujet,
ou bien qu'il a été merveilleusement conseillé et enseigné
par un
baleinier de longue expérience De ses aventures maritimes, il a fait des récits fougueux qui en font l’un des précurseurs du roman d’aventure maritime. Batailles, abordages, navires coulés, il décrit aussi la vie à bord que ce soit en tant que marin de la Royale ou en tant que corsaire ; mémoires également si soucieux de vérité qu'ils ne parurent au XIXe siècle que sous des éditions édulcorées. Ses ouvrages, dans leur version la plus authentique, comblent les attentes de tout amateur de biographies héroïques et d'histoire maritime. La vie des prisonniers français sur les pontons britanniques sera aussi décrite.Dès son séjour à Rouen, il commence à publier quelques articles sur ses souvenirs de mer et de captivité. Il adresse au ministère de l’Éducation en 1847 une série de récits manuscrits qu’il a rédigés à partir de ses propres souvenirs ainsi que d’histoires d’autres marins dont il avait eu connaissance dans l’océan Indien, pour qu’il en soit fait usage pour « l’édification de la jeunesse ». Le ministère lui adresse un refus poli.Sa célébrité posthume viendra d’éditeurs qui, dans les années 1860, poussés par la mode des mémoires plus ou moins apocryphes de combattants de la Révolution et de l’Empire, récupèrent ses manuscrits et les publient en trois volumes sous le titre Aventures et Combats, non sans réécriture partielle – Édouard Corbière est soupçonné d’avoir été l’un des « nègres » – quitte à rajouter quelques éléments rocambolesques : l’invraisemblable empoisonnement de Lhermitte à l'île de France, anecdote fantaisiste reprise par nombre de biographies sommaires du capitaine (il souffrit en fait de 1798 à sa mort d'une maladie tropicale, probablement une forme aiguë de paludisme) et la tortueuse histoire de la mort de Kernau par exemple ou à attribuer à Garneray des anecdotes survenues à d’autres personnages (le naufrage de l’Amphitrite) que, certes Garneray avait probablement consignées mais rien ne prouve qu’il se les étaient appropriées. D’où une réputation de manque de sérieux de ces mémoires. Pourtant, ses écrits, « sentant fort le goudron », tout au moins sur les années 1796 – 1800 et son très émouvant Mes Pontons [archive] constituent un témoignage irremplaçable sur la vie à bord d’une frégate, sur les combats de la campagne de Sercey, sur la vie à l’île de France, sur les croisières de la Preneuse et de la Confiance et sur l’enfer insalubre des mortels pontons britanniques. Si sa vision des événements est parfois un peu naïve, tout au plus peut-on lui reprocher d’être parfois, de son poste sur la dunette, quelque peu « Fabrice à Waterloo ». Après tout, un pilotin de 13 ans ou un aide timonier de 16, ne sont pas censés être dans le secret des états-majors, même si son éducation – il savait lire, ce qui n’était pas si fréquent sur un navire de guerre à la fin du XVIIIe siècle – et son talent naissant de peintre lui ont permis d’entretenir des relations avec certains officiers et capitaines et d’être considéré au-dessus de son rang de simple matelot. Ses aventures, écrites, réécrites, remaniées, édulcorées dans des éditions pour la jeunesse en font l’un des précurseurs du roman d’aventure maritime. |
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