Les traites négrières,
également appelées traite des Nègres ou traite des Noirs,
désignent des commerces d'esclaves dont ont été victimes, par millions,
les populations de l'Afrique de l'ouest, Afrique centrale et l'Afrique
australe durant plusieurs siècles Pour la définir, il faut associer et
combiner les six éléments suivants
- les victimes étaient des Noirs
- les traites supposaient des réseaux
d’approvisionnement organisés et intégrés ;
- les populations esclaves ne pouvaient se
renouveler par la fécondité ;
- le lieu de la capture et celui de la
servitude étaient éloignés l’un de l’autre ;
- la plupart du temps, la traite
correspond à un échange commercial entre producteurs et
acheteurs ;
- les entités politiques approuvaient ce
commerce et en retiraient des bénéfices substantiels.
La
traite doit être distinguée de l'esclavage qui « consiste à
exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs
liés au droit de propriété » La traite nécessite l'existence de
l'esclavage, mais l'inverse n'est pas vrai : l'esclavagisme a
existé sans traite, dans le sud des États-Unis au XIXe siècle.
La traite se différencie de la notion contemporaine de trafic d'êtres
humains.
Les
traites négrières furent un phénomène historique de très grande ampleur
en raison du nombre de victimes, des nombreuses méthodes
d'asservissement et des multiples opérations de transports sur de
longues distances.
On en distingue trois
types : la traite orientale, la traite occidentale et la traite
intra-africaine.
Le
choix du terme pour qualifier un commerce d'hommes, femmes et enfants
noirs a longtemps été discuté, et continue de l'être. Selon l'historien
Olivier Pétré-Grenouilleau, la formule « traite négrière »
semble la plus adaptée Elle fait
principalement référence aux producteurs, les « négriers ».
Les
historiens avaient d'abord parlé de slave trade
(« commerce d'esclaves »), mais ce terme ne faisait pas
l’unanimité auprès des chercheurs. Pour Serge Daget, il sous-entendait
que les victimes étaient déjà esclaves alors que bon nombre d'entre eux
étaient nés libres
La
traite négrière, qui comporte d'importants risques militaires,
nécessite une surface financière conséquente : on y trouve guère
d'artisans ou petits marchands mais surtout des officiers supérieurs,
la plupart du temps très proches de la royauté, ou des financiers
confirmés. Un homme d'origine plus modeste, comme Henry Morgan, s'y
fait une place grâce à son statut de leader des pirates de la Caraïbe
au début des années 1670. La majorité de ces armateurs (il existe
quelques exceptions comme la famille Montaudouin) ne consacre qu'une
partie de leur activité à la traité négrière afin de diversifier les
risques. Ainsi à Nantes, premier port négrier en France (43 % des
expéditions négrières françaises, représentant un peu plus du dixième
de l'activité maritime nantaise), l'armement négrier n'a jamais excédé
22 % de l'armement total
Craints
et respectés dans leur milieu, ces hommes disposent d'un pouvoir
considérable, qui explique le développement très rapide de la traite
entre 1665 et 1750 et l'acquisition de fortunes considérables, à une
époque où l'argent est rare et circule peu, l'absence d'industrie
limitant les possibilités de s'enrichir vite. Leur influence amène
l'Angleterre puis la France à approvisionner en esclaves l'Espagne à
qui le traité de Tordesillas interdit l'accès aux côtes d'Afrique.
- En
1647, la Barbade compte déjà 4 000 esclaves, 8 fois plus qu'en
1642. Le colonel Hilliard, qui a payé 400 sterling sa plantation en
1642 en revend la moitié au futur gouverneur Thomas Modyford pour
7 000 sterling.
- En
1660, lors de la restauration anglaise, le roi Charles II Stuart fonde
la compagnie des aventuriers d'Afrique, dirigée par Thomas Modyford
jusqu'en 1669. Ses soutiens William Berkeley et George de Carteret sont
récompensés par des dons de terre (Caroline, Virginie et New Jersey).
- En
1664, Sir John Yeamans et le colonel Benjamin Berringer, planteurs de
sucre à la Barbade, partent avec des centaines d'esclaves dans la
Province de Caroline, deviennent gouverneurs. Frances Culpeper, épouse
de William Berkeley, gouverneur de Virginie, héritière de ses
plantations, les rejoint.
- En
1664, Thomas Modyford quitte la Barbade avec 700 esclaves pour la
Jamaïque, dont il devient gouverneur, et où il implante l'économie
sucrière.
- En
1671, Thomas Lynch, planteur et négociant d'esclaves lui succède, après
avoir vécu cinq ans en Espagne. Charles II lui demande de désarmer les
flibustiers pour assurer la stabilité d'une Jamaïque appelée à devenir
une réserve d'esclaves pour l'empire espagnol.
- En
1672, la nouvelle Compagnie royale d'Afrique reçoit le monopole de
l'importation d'esclaves et construit des dizaines de forts en Afrique.
Son créateur est le duc d'York Jacques Stuart, qui succédera de 1685 à
1688 à son frère Charles II.
- En
1676, Henry Morgan, arrêté en 1672 par Thomas Lynch, est libéré et fait
gouverneur de la Jamaïque. Il reçoit une grande plantation et désarme
les pirates. Dans les années 1680, 8 000 esclaves arrivent chaque
année dans l'île.
- En
1677, l'amiral Jean-Baptiste Du Casse, directeur de la Compagnie du
Sénégal, obtint le privilège royal de vendre aux Antilles chaque année
pendant huit ans 2 000 esclaves puis devient en 1791 gouverneur de
Saint-Domingue, où il acquiert une grande plantation.
- Dès
1678, son premier client fut le capitaine Charles François d'Angennes,
marquis de Maintenon, le plus riche planteur de la Martinique.
- En
1701, Antoine Crozat prend la direction de la Compagnie de Guinée, que
Louis XIV autorise à amener « 3000 nègres
pour chaque an aux îles ». Acquéreur de la Louisiane en
1712, il y importe des esclaves et se heurte aux Amérindiens.
- En
1735, Antoine Walsh, leader de la communauté jacobite des Irlandais de
Nantes et fils de Phillip Walsh, qui a ramené en France Jacques II, est
le premier négociant de Nantes. Il finance les rébellions du
jacobitisme et fait échec aux projets de taxation du sucre.
- De
1748 à 1751, la société Grou et Michel et la société d'Angola
contrôlent 48 % de la traite nantaise. Guillaume Grou avait épousé
Anne O'Shiell, sœur d'Antoine Walsh. Leur fortune (4,5 millions de
livres) est confisquée en 1793.
- En
1771 et 1775, Thomas Sutton de Clonard, actionnaire et officier de la
Compagnie française des Indes orientales, associé du banquier Isaac
Panchaud, achète une immense plantation sucrière à Saint-Domingue pour
7,8 millions de livres
- En
1803, Jean Boze et Jean Lafitte, figures de la Piraterie des années
1800 dans la Caraïbe, approvisionnent les planteurs français de Cuba et
de Louisiane.
La traite orientale
utilisait
les voies commerciales des empires arabe puis ottoman : traversée
du Sahara, de la Méditerranée, de la mer Noire, de la mer Rouge. Elle
approvisionnait leurs principaux marchés aux esclaves, dans les grandes
villes d'Afrique du Nord et de la péninsule arabique, puis de Turquie.
Au
Moyen Âge, une partie des esclaves terminaient leurs périples en Europe
méridionale, en partie sous contrôle musulman la péninsule ibérique
avec l'Al-Andalus jusqu'au XVe siècle,
la Sicile jusqu'au XIe siècle,
les Balkans à compter du milieu du XIVe siècle
avec les Ottomans.
La
traite d'esclaves noirs vers l'Europe méridionale se poursuivit après
la Reconquista espagnole, surtout vers la Sicile et les royaumes de la
couronne d'Aragon. Après le Moyen Âge, quelques esclaves noirs
arrivèrent jusqu'en Russie via l'Empire ottoman qui contrôlait
la quasi-totalité du pourtour de la mer Noire
Contrairement
à une idée reçue, la traite orientale ne touchait pas davantage les
femmes que les hommes et n'était pas particulièrement à finalité
sexuelle Elle fournissait une main-d'œuvre servile employée à des
travaux domestiques et de services (employés de maison, tâches
d'entretien des palais et des infrastructures et activités
sexuelles : harem, concubines, prostitution, eunuques), mais
également dans l'agriculture l'artisanat et l'extraction minière ou le
métier des armes
La
traite orientale a été la plus longue et la plus régulière des trois
traites, ce qui explique qu'elle ait globalement été la plus importante
en nombre d'individus asservis : 17 millions de noirs selon
l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau, du VIIe siècle
à 1920
L'esclavagisme
oriental ne se limitait pas aux populations noires. D'autres groupes
ethniques en étaient aussi victimes, notamment des Européens, mais dans
des proportions moindres. Elle prélevait des populations venant des
steppes turques d'Asie centrale et de l'Europe slave et suscita des
razzias dans le monde chrétien (Sud de l'Europe, Empire byzantin).
Par
ailleurs, des inscriptions javanaises et des textes arabes montrent
qu'aux IXe et Xe siècles, l'Indonésie
entretenait des échanges commerciaux avec l'océan Indien et la côte est
de l'Afrique. Les inscriptions parlent d'esclaves jenggi,
c'est-à-dire « zengi », employés à Java ou offerts à la cour
de Chine. En arabe, Zeng ou Zanj désigne à l'époque les
habitants de la côte Est de l'Afrique
la traite occidentale
La
traite atlantique, la plus intense, fut effectuée au profit d'Européens
aidés par certains chefs africains des zones côtières Elle débuta en
1441 par la déportation de captifs africains vers la Péninsule ibérique
pendant plusieurs décennies La première vente de captifs noirs razziés
des côtes atlantiques a eu lieu en 1444, dans la ville portugaise de
Lagos Au siècle suivant, les Portugais convoyèrent les esclaves vers
les Caraïbes et l'Amérique du Sud. Les Anglais, les Français et les
Hollandais s'y joignent dans les années 1640.
Pour
contourner la mainmise ottomane sur les routes du commerce avec
l'Orient, le prince Henri le Navigateur finança l'exploration maritime
des côtes atlantiques dès 1422. Il voulait aussi s'allier à l'Éthiopie,
royaume du légendaire prêtre Jean et contenir l’expansion mondiale de
l'islam au détriment de la chrétienté Les considérations religieuses
s'ajoutaient aux considérations politiques et commerciales : en
1442, puis en 1452, les papes Eugène IV et Nicolas V entérinèrent les
conquêtes du roi Alphonse V de Portugal.
En
1453, la chute de Constantinople prive les négociants européens du
commerce transméditerranéen. Des relations avec l'Afrique subsaharienne
sont progressivement mises en place par Henri le Navigateur. Le
Vénitien Alvise Cadamosto organise deux expéditions pour les côtes de
l'Afrique subsaharienne, en 1455 et 1456
Le commerce en
droiture
La
majorité des navires commerçant avec les colonies ne pratiquent pas la
traite négrière mais le commerce en droiture Le circuit en droiture
consiste en un aller-retour direct (sauf escale nécessaire) entre la
métropole et la colonie désignée. Le navire part avec de la marchandise
vendue dans la colonie (aliments spécifiques, outils nécessaires au
fonctionnement des colonies, bijoux, tissu fin pour les colons, tissu
grossier pour les esclaves) puis effectue le trajet en sens inverse
après s'être chargé de denrées coloniales (coton, sucre, cacao, café,
indigo). Commerce direct dont l'aller se révèle peu rentable, il est
cependant moins risqué (risque financier moindre car rotation plus
rapide et ne nécessitant pas de faire le détour par l'Afrique) et
domine aux deux tiers le commerce triangulaire qui est plus tardif
Le commerce
triangulaire
Pour
ses commanditaires, il représentait le modèle économique le plus
sûr : le traitant n'avait pas lui-même à organiser de razzias. Les
esclaves étaient simplement achetés à des fournisseurs africains. Les
navires négriers partaient de l'Europe les cales pleines de
« pacotille » (verroterie, miroirs, objets de parure,
coquillages) mais aussi des marchandises de traite de qualité (tissus,
alcool, arme à feu, barres de fer, lingots de plomb) troqués sur les
côtes africaines contre des captifs, la qualité d'un capitaine se
révélant à sa capacité à négocier auprès de ses traitants qui peuvent
faire jouer la concurrence. Ils mettaient ensuite le cap sur l'Amérique
du Sud, les Caraïbes ou l'Amérique du Nord. Les conditions de détention
des esclaves étaient extrêmement dures : attachés par groupes,
entassés dans les cales, et seulement sortis de temps à autre pour
prendre l'air. « Cargaison » précieuse face au risque
financier que prenait l'armateur, leurs conditions de détention
s'améliorèrent au cours des siècles, leur taux de mortalité étant de
10 % à 20 %, avec des pics à 40 %. Pour les historiens,
l'estimation la plus probable s'établit à 13 % sur les quatre
siècles que dure la traite alors que la mortalité moyenne d'un équipage
était tout juste inférieure
Les
esclaves étaient vendus contre des lettres de change ou des matières
premières : sucre, puis coton et café pour approvisionner
l'Europe. Les investissements sucriers anglais des années 1660 puis
français des années 1680, abaissent son prix, mais fait monter celui
des esclaves en Afrique, relançant les guerres tribales.
L'Espagne
ignorait le commerce triangulaire. Le traité de Tordesillas lui
interdisant les comptoirs en Afrique, elle concédait des licences
d'importation, via l'Asiento. Les premiers esclaves africains
arrivent à Cuba dès 1513. Mais deux siècles et demi plus tard, en 1763,
Cuba ne compte que 32 000 esclaves, 10 fois moins que la Jamaïque
anglaise et 20 fois moins que Saint-Domingue. En revanche, de 1792 à
1860, 720 000 noirs sont introduits par les réfugiés français de
Saint-Domingue à Cuba, alors que l'esclavage disparaît à Saint-Domingue
et à la Jamaïque.
La
création dans les années 1670 de la Compagnie du Sénégal et de la Royal
African Company dope le commerce triangulaire. La Martinique n'avait
que 2 600 esclaves en 1674, ils sont 90 000 un siècle plus
tard. D'immenses fortunes émergent sans se réinvestir dans
l'industrie : malgré l'enrichissement des Irlandais de Nantes,
l'arrière-pays chouan reste sous-développé. Bordeaux et La
Rochelledeviennent à la fin du XVIIIe siècle
les autres capitales du commerce triangulaire. Les bateaux sont plus
grands, Saint-Domingue reçoit 20 000 captifs par an, le prix des
esclaves monte encore, générant des guerres en Afrique.
Le commerce triangulaire, aussi appelé
traite atlantique ou traite occidentale, est une traite négrière menée au moyen d'échanges
entre l'Europe, l'Afrique et les Amériques, pour assurer la
distribution d'esclaves noirs aux colonies du Nouveau Monde (continent
américain), pour approvisionner l'Europe en produits de ces colonies et
pour fournir à l'Afrique des produits européens et
américains.L'expression commerce triangulaire ne doit pas se
réduire uniquement à un passage en trois temps sur trois
continents : navires occidentaux se rendant sur les côtes
africaines pour échanger des esclaves contre des marchandises ;
puis transfert des esclaves en Amérique et échange contre une lettre de
change, du sucre, du café, du cacao, du coton du tabac et sans oublier
de l'or ; enfin acheminement des produits américains vers les
ports européensEn réalité, le déroulement du commerce triangulaire
était beaucoup plus vaste et il existait plusieurs routes :
l'Europe s'activait, en amont de la traite, afin de réunir les
capitaux, les marchandises, les hommes et les navires nécessaires,
ainsi que de trouver des alibis pour justifier ce trafic ; tandis
qu'en aval, elle s'occupait de la transformation des denrées.
le
« commerce triangulaire » conduit également à ne considérer
l'Afrique et l'Amérique qu'au travers d'escales, plus ou moins
secondaires dans l'organisation et la logique du trafic. On mésestime
ainsi lourdement l'importance du continent noir, où les captifs étaient
« produits », transportés, parqués et estimés par des
négriers noirs. De leur côté, les Amériques ne constituaient pas
seulement des lieux par lesquels transitaient les captifs, puisque
c'est la logique du système esclavagiste qui entraînait la traite. Et
l'on sait aujourd'hui que Rio de Janeiro, et non Liverpool, fut le
premier port négrier de la planète. Outre les traites orientales et
internes à l'Afrique, on oublie enfin les trafics océaniques ne
s'inscrivant nullement dans un triangle. Celui reliant le Brésil à
l'Afrique, et notamment à l'Angola, fut essentiel car il fit transiter
la plus grande partie des captifs de la traite atlantique. Celui
mettant en contact l'Afrique orientale et les Mascareignes ne fut pas
négligeable, de même que celui reliant l'Afrique aux Caraïbes
L'armement négrier était en France une activité
très concentrée : Robert Stein a recensé 500 familles qui avaient
armé, à Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le Havre et Saint-Malo, 2800
navires pour l'Afrique. Parmi elles, 11 familles (soit 2 %)
avaient armé 453 navires (soit 16 %).
Entrave d'esclave sur un
navire. Musée de la Marine, Paris.
Les armateurs négriers ne se livraient pas
uniquement à la traite. En France, ils avaient d'autres activités,
moins spéculatives, comme l'assurance, la droiture vers les îles ou la
pêche à la morue. Ils occupaient souvent une place très importante dans
les sociétés portuaires et ils étaient très influents. Entre 1815 et
1830, presque tous les maires de Nantes avaient été des négriers.
La
mise hors nécessaire à l'armement d'un négrier typique du XVIIIe siècle exigeait une somme
importante : quelque 250 000 livres en France, la valeur d'un
hôtel particulier dans une rue élégante de Paris, comme la rue
Saint-Honoré Tho 1. Elle
était trois fois supérieure à celle d'un bâtiment de même tonnage
filant en droiture vers les îles. Pour financer leur expédition, les
armateurs partageaient les risques financiers. Ils faisaient appel à un
certain nombre de personnes pour prendre des parts dans l'entreprise.
Appelés actionnaires ou associés, ces derniers pouvaient être très
nombreux. En France, les armateurs trouvaient souvent les capitaux
auprès de leurs amis, de leur connaissances et de leurs parents.
- Le navire
- Le choix du navire dépendait de la stratégie de
l'armateur. Si celui-ci optait pour un voyage rapide alors le voilier
devait être fin et rapide. S'il voulait se montrer économe, un navire
en fin de carrière pouvait convenir. Le tonnage moyen du négrier était
souvent supérieur à celui des navires destinés à la droiture vers les
îles. Le navire négrier devait également répondre à des
impératifs :Il devait être polyvalent, c'est-à-dire, être capable
de contenir des marchandises comme des captifs.
- Le volume de la cale devait être très important
pour l'eau et les vivres : en supposant qu'il faille 2,8 litres d'eau par personne et par jour,
pour 45 marins et 600 captifs, sur un voyage de deux mois et demi, les
besoins en eau se montaient à 140 000 litres d'eau ; il
fallait compter 40 kilos de vivres par personne.
- La hauteur de l'entrepont devait être comprise
entre 1,40 et 1,70 mètre. L'entrepont servait de parcs à esclaves et
avec cette hauteur, les négriers augmentaient la surface disponible en
installant des plates-formes à mi-hauteur sur les côtés, sur une
largeur de 1,90 mètre.
Entre 1749 et 1754, le tonnage moyen des négriers
nantais (187 observations) était compris entre 140 et 200 tonneaux.
Les
marchandises transportées devaient être suffisamment nombreuses et
diversifiées. Les navires européens emportaient dans leur cale des
textiles bruts, des textiles finis, des armes blanches, des armes à
feu, des vins et spiritueux, des matières premières brutes, des
produits semi-finis ou finis, des articles de fantaisie et parure, du
consommable volatil, des instruments monétaires, des articles de
cadeaux et de paiement des coutumes.
La
cargaison d'un négrier en partance pour les côtes d'Afrique
représentait 60 à 70 % du montant de la mise-hors nécessaire à
l'armement du navire. En effet, de nombreux produits de traite étaient
relativement chers. C'étaient le cas des « indiennes », des
textiles qui représentaient entre 60 et 80 % de la valeur de la
cargaison.
La composition standard de l'assortiment, décrite
ci-dessus, s'est construite petit à petit. Elle n'est devenue effective
qu'à partir du dernier tiers du XVIIe siècle,
soit plus d'un siècle après le début de la traite. Auparavant, les
négriers européens avaient proposé différents produits. Mais s'ils ne
satisfaisaient pas la demande, ces derniers étaient retirés des
négociations. Ce fut le cas, par exemple, de la nourriture, des animaux
et des agrumes, présents dans les premières cargaisons portugaises.
Le
nombre d'hommes d'équipage sur un navire négrier était deux fois plus
important que celui des autres navires marchands de même tonnage. En
France, on comptait 20 à 25 hommes par 100 tonneaux, ou encore un marin
pour 10 captifs. L'équipage était composé de jeunes, de novices,
parfois de fils d'armateur, de déracinés et d'aventuriers en tout genre.
- Les
marins indispensables
Pour
la réussite d'une expédition négrière, quatre hommes étaient
particulièrement importants :
- le
charpentier qui devait construire le faux-pont une fois que le navire
se rapprochait des sites de traite africains ;
- Le
tonnelier qui devait s'assurer de la bonne conservation de l'eau et des
vivres, en quantité très importante dans la cale ;
- Le cuisinier qui devait nourrir des centaines
de captifs et l'équipage.
- Le chirurgien qui devait s'assurer de la bonne
santé des captifs à l'achat. Il était également chargé du marquage au
fer rouge des captifs. Mais il ne pouvait rien contre les maladies qui
se déclaraient à bord (J.-C. Nardin en dénombre 45 différentes).
Afin
de mener à bien une expédition négrière, l'armateur nommait un
capitaine. Il n'hésitait pas à intéresser le capitaine dans les profits
de l'expédition en plus des primes. Celui-ci devait réunir plusieurs
compétences :
- des
compétences nautiques. Le capitaine devait savoir naviguer mais il
devait également surmonter les nombreux obstacles naturels qu'il allait
rencontrer sur sa route.
- des
compétences commerciales. Le capitaine devait savoir marchander avec
les traitants africains. Certains capitaines (surtout français)
marchandaient également avec les colons
- des
compétences de manieur d'hommes et de garde-chiourme.
La production
d'esclaves
La
production de captifs était une affaire quasi exclusive des Africains.
Daniel Pratt Mannix estime que seuls 2 % des captifs de la traite
atlantique furent enlevés par des négriers blancs. Dès 1448, Henri le
Navigateur avait donné l'ordre de privilégier l'établissement de
relations commerciales avec les Africain
Les
lançados, métis de Portugais, jouèrent les intermédiaires entre les
négriers occidentaux et les négriers africains à partir du dernier
tiers du XVIe siècle en
Gambie et au Libéria. D'autres lançados s'étaient établis dans le
royaume du Dahomey. Au XIXe siècle,
leur rôle en tant qu'intermédiaires et producteurs d'esclaves y était
très important, surtout lorsque Francisco Felix da Souza obtint du roi
Ghézo, en 1818, la charge de "Chacha" (responsable du commerce pour le
royaume du Dahomey)
Au
Congo[,
à partir du XVIIe siècle,
des caravanes de pombeiros (marchands indigènes acculturés et
commandités par les Portugais) s'enfonçaient à l'intérieur du continent
pour aller produire ou acheter des esclaves
Ailleurs,
la production de captifs était affaire purement africaine
Les modalités de réduction en esclavage
Selon
Orlando Patterson, les principales modalités de réduction en esclavage
étaient la capture à la guerre, l'enlèvement, les règlements de tributs
et d'impôts, les dettes, la punition pour crimes, l'abandon et la vente
d'enfants, l'asservissement volontaire et la naissance
La
confrontation de plusieurs sources montrent qu'il pouvait y avoir,
selon les régions, un ou plusieurs modes de réduction en servitude
prédominants :
- Selon
une enquête de M. Gillet établie en 1863 dans la région du Congo, seuls
quarante esclaves environ, sur un total de 2571, étaient prisonniers de
guerre ou bien avaient été pris et vendus par des peuples voisins. On
comptait 1519 « esclaves de naissances », 413 personnes
avaient été vendues « par des gens de leur propre tribu sans
avoir, selon (elles), commis aucun délit ». Enfin 399 avaient été
condamnées (pour infidélité, adultère, vol, crimes et délits divers,
commis par eux ou par certains de leurs proches)
- En
1850, S. Koelle interrogea 142 esclaves en Sierra Leone. 34 %
dirent qu'ils avaient été pris à la guerre, 30 % qu'ils avaient
été enlevés, 7 % qu'ils avaient été vendus par des membres de leur
famille ou des supérieurs. Par ailleurs, 7 % avaient été vendus
pour solder des dettes et 11 % condamnés au cours de procèsMortalité
des captifs sur le sol africain
On
dispose de peu d'éléments sur le nombre de captifs décédés sur le sol
africain. Cependant, pour l'Angola, il existe de telles informations
: selon Miller, les pertes y auraient été de 10 % lors des
opérations de capture, de 25 % au cours du transport vers la côte,
de 10 à 15 % lorsque les captifs étaient parqués dans les
barracons sur la côte. Au total, les pertes se situeraient entre 45 et
50 %
Il est impossible d'extrapoler ces données pour
tirer des conclusions sur l'ensemble de l'Afrique. On suppose que les
pertes étaient liées à la distance parcourue et à la durée nécessaire
pour atteindre les sites de traite côtiers. Ainsi les pertes pouvaient
être très différentes selon les régions.
-
- P. Manning estime que pour 9 millions de
déportés aux Amériques, 21 millions auraient été capturés en Afrique (7
millions seraient devenus esclaves en Afrique et 5 millions seraient
morts dans l'année suivant leur capture)
- Joseph Inikory estime que la traite
atlantique et les diverses calamités naturelles auraient fait 112
millions de victimesPetre
19.
- Raymond L. Cohn estime que 20 à 40 %
des captifs mouraient au cours de leur transport à marche forcée vers
la côte, et que 3 à 10 % disparaissaient en y attendant les
navires négriers. On arrive à un total compris entre 23 et 50 %
L'échange des
esclaves Les
modalités de l'échange
Les
échanges se faisaient soit à terre, soit sur le bateau. Dans les deux
cas, les modalités de l'échange entre négriers africains et négriers
européens avaient peu varié au cours des siècles La marchandise
européenne était étalée aux regards des courtiers et des intermédiaires
africains. Ensuite les négriers européens payaient les coutumes,
c'est-à-dire des taxes d'ancrage et de commerce. Puis les deux parties
se mettaient d'accord sur la valeur de base d'un captif. Ce marchandage
était âprement discuté.
Des unités de
compte déconnectées Ce n'est qu'à partir du XIXeme siècle que des monnaies
fiduciaires occidentales ont été introduites en Afrique sub-saharienne.
Il s'agissait notamment du dollar américain, de la piastre et du Thaler
de Marie-Thérèse.
Avant les courtiers africains utilisaient leur
propre unité de compte comme la barre en Sénégambie ou l'once à Ouidah.
En ce qui concerne les marchandises européennes, ils ne tenaient pas
compte des prix occidentaux.
Dans certaines régions, c'est le choix dans
l'assortiment qui déterminait la valeur d'un lot d'esclaves. En 1724,
dans la région du fleuve Sénégal, 50 captifs avaient été traités
pour :
- 201 pataques à 4 livres la pièce
- 1 macaton petit d'argent et sa chaîne
- 1 cornet, ditto
- 5 fusils
- 8 cordes
- 1,5 aune, drap écarlate
- 24 pintes eau de vie
- 12 barres de fer
- 75 livres de poudre à canon
- 104 livres de plomb en balle
- 225 aunes, toile bleue et noire
- 69 aunes, toile de Rouen
- 12 milliers, galets rouge.
C'est
ce que valaient les 50 captifs pour les négriers africains. Par contre,
le négrier français convertissait le tout en monnaie fiduciaire
française et ces 50 captifs lui coûtaient 2 259 livres
tournois. Ainsi chaque captif coûtait en moyenne 45 livres.
Dans
d'autres régions, le prix était fixé en unité de compte locale. Par
exemple à Ouidah un canon équivalait à une dizaine d'esclaves, à Douala
on trouve des barres de fer et des pots de cuivre ayant servi de
monnaie d'échange, au musée de Banjul se trouve exposée une table de
conversion du kilo d'esclave en pistolets, cristaux ou vêtements2. Mais pour les négriers
occidentaux, le coût d'un esclave pouvait facilement varier. En 1773, à
Ouidah, le prix d'un captif homme était fixé à 11 onces. À cette
valeur, les marchandises échangées étaient différentes suivants les
courtiers
|
|
onces |
Courtier Cazou |
|
|
|
3 ancres d'eau de vie |
3 |
|
123 livres de cauri |
3 |
|
5 rolles de tabac |
5 |
Courtier Colaqué |
|
|
|
2 ancres d'eau de vie |
2 |
|
205 livres de cauri |
5 |
|
16 platilles |
2 |
|
2 rolles de tabac |
2 |
|
1 chapeau |
|
Courtier Yaponeau |
|
|
|
4 ancres d'eau de vie |
4 |
|
164 livres de cauri |
4 |
|
1 pièce de toile à robe |
1 |
|
2 pièces de mouchoirs de Cholet |
1 |
|
4 barres de fer |
1 |
|
1 chapeau |
Les prix des esclaves entre 1440 et
1870
Les prix avaient évolué au cours des quatre
siècles de la traite négrière occidentale.
L'arrivée
des Français et des Anglais en 1674 sur les côtes d'Afrique, jusque là
chasse gardée des Hollandais, fait brutalement monter le prix des
esclaves, qui sera multipliée par 6 entre le milieu du XVIIe siècle et 1712, entraînant
le développement de nouveaux circuits d'approvisionnement à intérieur
du continent, qui affaiblissent les sociétés africaines
traditionnelles.L'arrivée en masse de nouveaux esclaves aux Antilles
fait parallèlement baisser leur prix d'achat par les planteurs de canne
à sucre, dopant la production ce qui a pour effet d'abaisser le prix de
cette denrée sur le marché mondial et encourager sa consommation avec à
la clé un immense développement de l'économie sucrière et le trafic
d'esclaves.Les prix avaient évolué au cours des quatre siècles de la
traite négrière occidentale, tant côté anglais que français.
- Côté anglais et espagnol, Hugh Thomas présente
la liste ci-dessous :
- Côté français, Serge Dagetnous en donne
également une autre :
- Au
milieu du XVIIe siècle, à
Ouidah, le coût du captif moyen équivalait à 72 livres tournois.
- En
1670, à Ouidah, le coût du captif moyen montait à 192 livres.
- En
1712, sur la côte de l'Or, un captif coûtait 384 à 410 livres tournois.
- À la
fin du XVIIIe siècle, à
Ouidah, il pouvait atteindre 480 livres.
- Entre
1830 et 1840, à Ouidah et à Lagos, un captif valait 360 à 480 F
- En
1847, à Ouidah, il coûtait 1 680 à 1 920 F.
- En
1847, à Lagos, le coût d'un captif était de 480 F.
Les
modalités d'embarquement
Porte du voyage sans retour de la Maison des
Esclaves, à Gorée au Sénégal.Si le bateau appartenait à une compagnie,
il se rendait aux comptoirs appartenant à leur nation. Là, des captifs
étaient entreposés en vue de leur déportation. Avec le commerce libre,
l'armateur fixait les lieux de cabotage du navire : dans le
meilleur des cas, le navire cabotait dans une zone prédéfinie ;
dans le pire des cas, le navire procédait à un lent cabotage entre
chaque foyer négrier (appelé également la traite volante, de la
Sénégambie jusqu'au Gabon et plus loin encoreLa durée du cabotage
dépassait très fréquemment les trois mois L'embarquement des captifs se
faisait par petits groupes de quatre à six personnes. Certains
préféraient sauter et se noyer plutôt que de subir le sort qu'ils
s'imaginaient : ils croyaient que les Blancs allaient les
manger.Dès qu'ils étaient à bord, les hommes étaient séparés des femmes
et des enfants. Ils étaient enchaînés deux à deux par les chevilles et
ceux qui résistaient étaient entravés aux poignets.
La
traversée de l'Atlantique Noir passage
Hubert
Deschamps qualifiait la traversée de l'Atlantique de « noir
passage ».
Le
terme Passage du milieu désigne la même chose mais se réfère à la
partie centrale, transatlantique, du Commerce triangulaire.
La
traversée durait généralement entre un et trois mois. La durée moyenne
d'une traversée était de 66,4 jours. Mais selon les points de départ et
d'arrivée, la durée pouvait être très différente. Ainsi les Hollandais
mettaient 71 à 81 jours pour rejoindre les Antilles alors que les
Brésiliens effectuaient Luanda-Brésil en 35 joursPetre 21. Avant d'entamer la traversée, il
arrivait souvent que le négrier mouille aux îles de Principe et São
Tomé. En effet, les captifs étaient épuisés par un long séjour, soit
dans les baracons, soit dans le cas d'une traite itinérante sous voilePetre 22. Les femmes et les
enfants étaient parqués sur le gaillard d'arrière tandis que les hommes
étaient sur le gaillard d'avant. La superficie du gaillard d'avant
était supérieure à celle du gaillard d'arrière. Ils étaient séparés par
la rambarde.
Les
captifs étaient enferrés deux par deux. Ils couchaient nus sur les
planches. Pour gagner en surface, le charpentier construisait un
échafaud, un faux pont, sur les côtés. Le taux d'entassement était
relativement important. Dans un volume représentant 1,44 m³ (soit un
« tonneau d'encombrement », 170×160×53), les Portugais
plaçaient jusqu'à cinq adultes, les Britanniques et les Français, de
deux à trois. Pour les négriers nantais, entre 1707 et 1793, le rapport
général entre tonnage et nombre de Noirs peut être ramené à une moyenne
de 1,41. Theophilus Conneau témoigna ainsi en 1854 : « Deux des officiers ont la charge d'arrimer les
hommes. Au coucher du soleil, le lieutenant et son second descendent,
le fouet à la main, et mettent en place les Nègres pour la nuit. Ceux
qui sont à tribord sont rangés comme des cuillers, selon l'expression
courante, tournés vers l'avant et s'emboîtant l'un dans l'autre. À
bâbord, ils sont tournés vers l'arrière. Cette position est considérée
comme préférable, car elle laisse le cœur battre plus librement. »
Si le
temps le permettait, les déportés passaient la journée sur le pont.
Toujours enchaînés, les hommes restaient séparés des femmes et des
enfants. Ils montaient par groupes sur le pont supérieur vers huit
heures du matin. Les fers étaient vérifiés et ils étaient lavés à l'eau
de mer. Deux fois par semaine, ils étaient enduits d'huile de palme.
Tous les quinze jours, les ongles étaient coupés et la tête rasée. Tous
les jours, les bailles à déjection étaient vidés, l'entrepont était
gratté et nettoyé au vinaigre. Vers neuf heures, le repas était
servi : fèves, haricots, riz, maïs, igname, banane et manioc.
l'après-midi les esclaves étaient incités à s'occuper (organisation de
danses). Vers cinq heures les déportés retournaient dans l'entrepont.
Par contre, en cas de mauvais temps et de tempête, les déportés
restaient confinés dans l'entrepont. Il n'y avait pas de vidange, ni de
lavement des corps, ni de nettoyage des sols. Le contenu des bailles
coulait sur les planches de l'entrepont, se mêlait aux choses pourries,
aux émanations de ceux victimes du mal de mer, aux vomissures, au
« flux de ventre, blanc ou rouge ». Toutes les écoutilles
pouvaient être closes. L'obscurité, l'air rendu irrespirable par le
renversement des bailles à déjection, le roulis qui faisait frotter les
corps nus sur les planches, la croyance d'un cannibalisme des négriers
blancs terrorisaient et affaiblissaient les captifs
es révoltes à bord La
plupart des révoltes se réalisaient le long des côtes africaines. Elles
pouvaient également avoir lieu en haute mer mais c'était beaucoup plus
rare. Selon Hugh Thomas il y avait au moins une insurrection tous les
huit voyages.
Quelques-unes réussirent :
- en
1532, 109 esclaves se rendirent maîtres du Misericordia, un
navire portugais. De l'équipage, il ne restait que 3 rescapés. Ceux-ci
réussirent à s'enfuir. On n'entendit plus jamais parler du navire.
- En
1650, un navire espagnol sombra au large du cap de San Francisco. Les
Espagnols survivants furent tués par les captifs africains.
- En
1742, les prisonniers de la galère Mary se soulevèrent. Seuls
le capitaine et son second en réchappèrent.
- En
1752, les esclaves du Marlborough se révoltèrent. On n'entendit
plus jamais parler d'eux.
Mais
la plupart du temps, les révoltes étaient matées et les meneurs
servaient d'exemple : ils étaient publiquement battus et pendus,
voire pire. Certains pouvaient être victimes d'actes de
barbarie :le capitaine n'hésitait pas à couper une partie du corps
de la victime pour épouvanter les autres captifs. En effet, beaucoup de
Noirs croyaient que s'ils étaient tués sans être démembrés, ils
regagneraient leur pays après avoir été jetés à la mer
- Un
capitaine n'hésita pas à contraindre deux captifs à manger le cœur et
le foie d'un troisième avant de les tuer
- Selon
Hugh Thomas, le châtiment le plus brutal semble avoir été celui infligé
au meneur d'une révolte sur le bateau danois Friedericius Quartus,
en 1709. Le premier jour, il eut la main coupée et celle-ci fut exhibée
devant tous les déportés. Le deuxième jour, on lui coupa la seconde
main qui fut également exposée. Le troisième jour, il eut la tête
tranchée et son torse fut hissé sur la grande vergue où il resta exhibé
durant deux jours.
La mortalité des déportés durant la
traversée
Jusqu'en 1750, la période la plus active, elle
reste proche d'un sur six.Différents facteurs de mortalité ont été
recensés : la durée du voyage, l'état sanitaire des esclaves au
moment de l'embarquement, la région d'origine des captifs, les
révoltes, les naufrages, l'insuffisance d'eau et de nourriture en cas
de prolongement de la traversée, le manque d'hygiène, les épidémies
(dysenterie, variole, rougeole,...), la promiscuité.Les enfants de
moins de 15 ans étaient plus fragiles que les hommes. Les femmes
étaient plus résistantes que les hommes.La mortalité des déportés lors
de la traversée serait comprise entre 11,9 % et 13,25 %. Il
arrivait que certaines atteignent 40 %, voire 100 %Dans le
cas des expéditions négrières nantaises, le taux de mortalité des
déportés avoisinait 13,6 %
Évolution de la mortalité moyenne des déportés
1597 - 1700 |
1701 - 1750 |
1751 - 1800 |
1801 - 1820 |
1821 - 1864 |
Ensemble de la période |
22,6 % |
15,6 % |
11,2 % |
9,6 % |
10,1 % |
11,9 % |
La venteLes esclaves devaient être
systématiquement soumis à une quarantaine avant d'être débarqués. Mais
les arrangements avec les autorités étaient fréquents. Le chirurgien
veillait à redonner une apparence convenable : les lésions
cutanées et les blessures étaient dissimulées, les cheveux étaient
coupés et le corps était enduit d'huile de palme. Ils étaient alors
prêts pour être vendus sur les marchés aux esclaves. Dans la majorité
des colonies, les esclaves étaient vendus par lots. Une annonce était
transmise aux planteurs locaux. La vente pouvait avoir lieu sur le
navire ou à terre. Il existait plusieurs techniques de vente comme les
enchères ou le scramble. Les colonies qui importèrent le plus
d'esclaves furent le Brésil suivi des Antilles.
Le retour en Europe
Les négriers rentraient en Europe avec de la canne
à sucre ainsi que de l'or, ou effets de commerce, correspondant à la
vente des esclaves. Mais aussi avec des produits dit de "haute valeur"
(le coton, la canne à sucre, le tabac et des métaux précieux).
La mortalité des
marins
Pour les négriers nantais, la mortalité moyenne
était de 17,8 %. Il ne s'agit que d'une moyenne. Certaines
traversées pouvaient se faire sans aucun décès tandis que d'autres
pouvaient enregistrer une mortalité de 80 % voire davantage
Histoire
du commerce triangulaire
On considère généralement que le début de la
traite occidentale date de 1441, quand des navigateurs portugais
enlevèrent des Africains pour en faire des esclaves dans leur pays
Une autre motivation de l'esclavage organisé par
les Portugais est le besoin impérieux pour les équipages de marins, de
se reposer au cours de leurs interminables voyages vers les Indes
occidentales et vers la Chine (à Macao) et le Japon (à Nagazaki) . Ces
voyages pouvaient durer des mois, entraînant une forte mortalité dans
les équipages portugais (à cause de la fatigue et du scorbut). D'où la
nécessité de se reposer dans des escales sur les possessions
portugaises de l'Atlantique : principalement les îles du Cap Vert
et les îles de Sao Tome et Principe. Pour cela, les autorités
portugaises décidèrent de faire venir des paysans portugais cultiver la
terre de ces îles atlantiques (dans le but de nourrir les marins
faisant escale, avec une nourriture fraîche qui limitait le scorbut).
Ces paysans portugais, habitués au climat relativement sec du Portugal,
mouraient en grand nombre sous le climat équatorial de ces îles
africaines. Par contre les Africains habitués à ce climat supportaient
bien mieux de travailler dans de telles conditions : d'où l'idée
des Portugais de faire venir du continent africain des esclaves pour
travailler la terre de ces îles : ce fut de début de l'esclavage
des Africains par les Européens.
Première
étape, du XVe siècle au
milieu du XVIIe siècle
Les
royaumes européens et les premières expéditions négrières
Ce sont les Portugais qui se distinguèrent. Ils
déportèrent près de 757 000 esclaves, soit trois quarts des
déportés sur cette période. Trois déportés sur quatre étaient embarqués
à partir de l'Afrique centrale et ils étaient destinés au Brésil
(34 %) et à l'Amérique espagnole continentale (43 %).
Au total, 90 % de cette traite a eu lieu
après 1672 et la création en Angleterre de la Compagnie royale
d'Afrique, qui a surtout approvisionné la Jamaïque et en France de la
Compagnie du Sénégal pour alimenter l'île de Saint-Domingue.
Les premières années
Au XVe siècle,
avec le commerce transsaharien, de nombreux produits africains, comme
l'or, les esclaves ou le poivre de malaguette (appelé également la
graine du paradis), étaient présents sur quelques marchés européensTAvec la prise de Ceuta en
1415, les Portugais s'informèrent sur le commerce transsaharien. Ils en
connaissaient de nombreux détails. Leur objectif était d'atteindre les
mines d'or africaines. Pour y parvenir, ils ne tentèrent pas de prendre
le contrôle des routes transsahariennes (solidement maintenues par les
Arabes) . Ils privilégièrent une nouvelle route, la voie maritime
Les Portugais furent les premiers Européens à se
risquer sur les côtes atlantiques de l'Afrique. Plusieurs facteurs y
contribuèrent
ces
mers étaient les leurs ;
-
c'étaient de bons marins qui utilisaient les cartes et la
boussole ;
- ils
avaient de bons navires (les caravelles) ;
- le
commerce était très dynamique. L'Europe du Nord venait dans les ports
portugais s'approvisionner en produits méditerranéens ;
- les
autres royaumes européens étaient plus occupés à se faire la guerre.
En
1441, Antao Gonçalves captura des Africains noirs, des Azenègues, qui
furent offerts en trophée au prince Henri Cet événement est considéré
comme le début de la traite atlantique. Mais à l'époque, cet épisode
fut anodin. En effet, depuis plusieurs décennies, la traite
transsaharienne fournissait des esclaves noirs au Portugal. Les
Portugais continuèrent les razzias. Celles-ci procuraient un profit
immédiat et elles rentabilisaient les expéditions
Un
nouveau procédé d'obtention de captifs prit forme très tôt, le
commerce. Dès 1446, Antao Gonçalves acheta des esclaves. En 1448,
1 000 captifs furent déportés au Portugal et sur les îles
portugaises (les Açores et Madère). Dans les années 1450, le Vénitien
Ca'da Mosto reçut 10 à 15 esclaves en « Guinée » en échange
d'un cheval. Il essaya d'entrer en contact avec Sonni Ali Ber,
l'empereur des Songhaïs. Ces efforts restèrent vains
Supposant
des succès portugais, les Castillans et les Gênois lancèrent leurs
propres expéditions. Ils furent contrés par la diplomatie portugaise.
Une
présence portugaise qui s'affirma
Les
Portugais avaient plusieurs objectifs.
- Ils
voulaient entrer en contact avec le royaume du prêtre Jean (l'Éthiopie)
pour obtenir une alliance. Ils pensaient ainsi prendre en tenaille le
monde musulman (surtout après la prise de Constantinople par les Turcs
musulmans).
- Les
relations avec l'Afrique étaient largement motivées par le commerce
avec l'Asie. Pour leurs importations, les Portugais avaient besoin d'or
(pour l'Empire Ottoman), d'argent (pour l'Extrême-Orient) et de cuivre
(pour l'Inde).
- L'objectif principal restait le profit.
Ainsi,
dans la seconde moitié du XVe siècle,
les Portugais s'enhardirent. La Couronne portugaise entreprit d'établir
des relations commerciales stables avec l'Afrique subsaharienne. En
1458, le prince Henri le navigateur souhaita que ses hommes achètent
les esclaves plutôt que de les razzier. Cette mission fut confiée à
Diogo Gomez (il revint avec 650 esclaves razziés). La Couronne
portugaise décida de laisser la gestion des nouvelles expéditions à des
hommes d'affaires et des marchands portugais. Le premier d'entre eux
fut Fernando Po en 1460. En contrepartie, il s'engagea à verser chaque
année 200 000 reis et à explorer 100 lieues de côtes inconnues. Le
droit de transporter des esclaves fut ensuite confié à une succession
de marchands privilégiés, obligés de verser un impôt annuel fixé par la
couronne.
Le
règlement vis-à-vis des expéditions évolua : tout esclave importé
devait être débarqué à Lisbonne (1473) et tout bateau en partance pour
l'Afrique devait s'enregistrer à Lisbonne (1481). Les Portugais
commencèrent à s'implanter sur plusieurs points du littoral africain.
En 1461, le premier comptoir et le premier fort étaient achevés à
Arguin En 1462, ils s'installèrent dans les îles du cap Vert. En 1481,
le construction de la forteresse d'El Mina commençait. Le prince local,
Ansa de Casamance, voyait d'un mauvais œil cette nouvelle bâtisse. En
1486, ils étaient sur l'île de Sao Tome Ces expéditions étaient
souvent de brillantes réussites commerciales. Les Portugais étaient de
très bons intermédiaires et, grâce à leur caravelle, ils pouvaient
convoyer toute sorte de biens le long du littoral africain. Ils
s'intéressaient surtout à l'or, à l'ivoire et à la graine de Guinée Mais les
esclaves prenaient une place de plus en plus importante. En effet, à
partir de 1475, les Portugais fournirent des esclaves aux Akans à
Elmina et la réussite des implantations de la canne à sucre à Madère
(1452), aux îles Canaries (1484), puis à Sao Tome (1486) exigea un
nombre croissant d'esclaves.
Les
marchandises échangées avec les chefs africains affluaient de toute
l'Europe et de la Méditerranée (tissus de Flandre et de France, du blé
d'Europe du Nord, des bracelets de Bavière, des perles en verre, du
vin, des armes blanches, des barres de fer
Les
Portugais connurent également de grands succès politiques. En Afrique,
ils établirent des relations commerciales avec deux royaumes africains.
En 1485, Cão s'entretint avec Nzinga, le roi du Kongo. Il revint au
Portugal avec des esclaves et un émissaire. En 1486, Joao Afonso Aveiro
entra dans le royaume du Bénin. Il crut qu'il était proche de
l'Éthiopie, le royaume du prêtre Jean En Europe, en 1474, le prince
réclama et obtint la propriété de l'Afrique. En 1479, les Espagnols
cessèrent leurs expéditions vers l'Afrique. Ils reconnaissaient le
monopole portugais. Cependant, il y eut un échec politique. En 1486,
les Portugais aidèrent le roi Bemoin au Sénégal. Mais il fut déchu et
exécutéL'Oba du Benin finit par interdire l'exportation de captifs.
Pour le cuivre, les Portugais se fournissaient au Congo
L'asiento
Incapable
de fournir suffisamment d'esclaves à ses colonies en raison du traité
de Tordesillas entre l'Espagne et le Portugal, l'Espagne mit en place
un asiento, privilège par lequel le bénéficiaire s'engageait à fournir
un certain nombre d'esclaves aux colonies espagnoles. En retour, il se
trouvait en situation de monopole : l'Espagne s'engageait à ce que
l'empire achetât des captifs uniquement aux détenteurs de l'asiento.
L'asiento fut ainsi octroyé tour à tour aux Portugais, puis aux Génois
(et à leur Compagnie des Grilles), aux Hollandais, à la Compagnie
française de Guinée, ou encore aux Anglais.
Vinrent
ensuite les Hollandais, les Anglais et les Français. Ils traitaient
notamment avec les Africains de la gomme, de l'or, du poivre de
malaguette, de l'ivoire... et des esclaves.
Cependant,
malgré les bulles pontificales, des Français et des Anglais firent
quelques expéditions sur les côtes de l'Afrique, au grand désespoir des
Portugais.
Une
lente structuration de l'offre sur les côtes africaines
La
traite sur les côtes africaines s'est très lentement structurée.
Vers
1475, les Portugais achetaient des esclaves dans le golfe du Bénin. Les
Ijos et les Itsekiris se livraient alors à cette traite. Les esclaves
qu'ils traitaient, étaient soit achetés à l'intérieur des terres, soit
des criminels condamnés. Une partie des esclaves était acheminée à
Elmina. Ils étaient vendus à d'autres Africains contre de l'or
À
partir de 1486, les Portugais commencèrent à traiter avec le royaume du
Bénin. En 1530, le royaume du Benin émit des réserves sur la traite des
esclaves et, vers 1550, l'Oba du Benin interdit la traite.
En
1485, les Portugais achetèrent les premiers esclaves au Congo. Vers
1550, le Congo devint la principale zone de traite. Mais la demande
portugaise en captifs était si élevée que le monarque fut vite dépassé.
D'autres peuples s'entendirent pour satisfaire cette demande (les Pangu
à Lungu, le peuple Tio). De 1 000 esclaves déportés en 1500, il y
en avait entre 4 000 et 5 000 qui étaient déportés
annuellement du Congo à partir de 1530L'Angola (ou Ndongo) fournissait
également des esclaves aux Portugais. Dès 1550, les rois du Congo et de
l'Angola se contestaient la suprématie dans la fourniture de captifs
aux Portugais Vers 1553, un nouvel État africain livre des esclaves. Il
s'agit de la monarchie d'Ode Itsekiri sur le Forcados (près du royaume
du Bénin)Au début du XVIIe siècle,
de nombreux villages de pêcheurs sur l'estuaire du Niger devinrent des
villes autonomes avec d'importants marchés aux esclaves. Certaines de
ces villes finirent par devenir de puissantes monarchies : Bonny,
New Calabar, Warri, Bell Town et Akwa Town au Cameroun ; et il y
avait de puissantes républiques commerçantes, comme Old Calabar et Brass
Une
lente structuration de la demande aux Amériques
Très lentement, les esclaves
noirs commencèrent à peupler les nouvelles possessions impériales
espagnoles. Le phénomène fut graduel, discret, riche en faux départs.
Ainsi un décret de 1501 interdisait les déportations aux Indes
d'esclaves nés en Espagne, ainsi que des Juifs, de Maures et de
« nouveaux chrétiens », c'est-à-dire des Juifs convertis.
Cependant, certains marchands et capitaines obtinrent l'autorisation
privée d'emmener aux Indes quelques esclaves noirs
Le début de la Traite d'esclaves vers les
Amériques ne commença que le 22 janvier 1510, quand le roi Ferdinand
donna la permission d'envoyer cinquante esclaves sur Hispaniola pour
l'exploitation des mines. Ces esclaves devaient être « les
esclaves les meilleurs et les plus forts qui se puissent
trouver ». Il est certain qu'il songeait alors aux Noirs. Quant
aux Indiens, ils ne résistaient pas aux mauvais traitements dans les
champs et les mines (et surtout aux épidémies de variole). En 1510, il
n'en restait plus que 25 000 sur Hispaniola
Jusqu'en 1550, la plupart des captifs africains
étaient destinés à la péninsule Ibérique, à Madère, à Sao Tome et à
Principe. À partir de 1550, la demande espagnole pour l'Amérique décollaTho 45. Les esclaves étaient
alors pêcheurs de perles à la Nouvelle-Grenade, débardeurs à Veracruz,
dans les mines d'argent de Zacatecas, dans les mines d'or du Honduras,
du Venezuela et du Pérou, vachers dans la région de la Plata. D'autres
étaient forgerons, tailleurs, charpentiers et domestiques. Les esclaves
femmes servaient de femme de chambre, de maîtresse, de nourrice ou de
prostituée. On prenait l'habitude de leur confier les tâches les plus
ingrates
Au Nord-Est du Brésil, dans les capitaineries de
Pernambouc et de Bahia, les premières plantations sucrières virent le
jour sur le sol américain La demande en travail servile explosa. Les
Portugais avaient alors à leur disposition les Indiens. Mais la
persévérance de Bartolomé de Las Casas et d'autres dominicains finirent
par rendre l'asservissement des Indiens illicite De plus, l'épidémie de
dysenterie associée à la grippe avaient décimé la population indienne
au Brésil dans les années 1560. Enfin les planteurs n'étaient pas
satisfaits du travail des Indiens. Ceux-ci ne résistaient pas aux
mauvais traitements qui leur étaient infligés et surtout aux épidémies.
Pour toutes ces raisons, la demande d'esclaves noirs en provenance du
Congo et de l'Angola se raffermit. De 2 000 à 3 000, en 1570,
la population noire du Brésil s'élevait à 15 000 en 1600. Le
quotidien de ces esclaves était très dur. Leur espérance de vie était
d'environ dix ans. Il fallait donc sans cesse de nouveaux arrivages
d'Angola et du Congo. Le Brésil devenait le principal fournisseur en
sucre de l'Europe
Dans
le premier quart du XVIIe siècle,
le nombre total d'esclaves déportés d'Afrique devait approcher les
200 000, dont 100 000 allèrent au Brésil, plus de 75 000
en Amérique espagnole, 12 500 à São Tomé et quelques centaines en
Europe
Le
nombre d'esclaves africains travaillant alors dans les colonies
antillaises était alors relativement faible. À la Guadeloupe, en 1671,
47 % des maîtres n'avaient qu'un seul esclave. Dans les premiers
temps, dans les treize colonies anglaises, serviteurs, blancs et noirs,
travaillaient côte à côte, dans le cadre de petites exploitations.
Inversement dans les îles françaises, les engagés blancs étaient alors
durement traités
Le grand virage franco-anglais de 1674
L'année
1674 est celle du grand virage pour l'esclavage. Jusque-là, depuis des
siècles, des Africains sont emmenés à travers le Sahara vers le monde
arabe, où ils deviennent domestiques. Le long et coûteux voyage, tout
comme la demande modeste limitent le prélèvement annuel sur les
populations africaines.
Les
planteurs de sucre espagnols du Venezuela et portugais du Brésil
achètent aussi des esclaves mais en quantité limitée, car le transport,
par le système de l'Asiento, est le monopole des marchands hollandais,
qui se limitent aux expéditions les plus rentables. Le sucre est encore
cher sur le marché mondial ce qui empêche sa commercialisation à grande
échelle.
La
donne change quand le commerce triangulaire prend son essor à partir de
1674, l'année où les Français et les Anglais commencent à disputer aux
hollandais le monopole du transport des esclaves de la côte africaine
vers les Amériques, où deux grandes îles, la Jamaïque et Saint-Domingue
et trois petites, la Martinique, la Guadeloupe et la Barbade deviennent
la principale zone mondiale d'importation des esclaves.
Le
futur roi d'Angleterre Jacques Stuart crée en 1672 la Compagnie royale
d'Afrique tandis que son cousin français Louis XIV fonde la Compagnie
du Sénégal la même année et dissout la Compagnie des Indes de Colbert,
l'une des premières compagnies coloniales françaises, à qui il reproche
son incapacité à importer des esclaves. Louis XIV devient en 1674 un
monarque absolu. Il prend ses distances avec Colbert et tombe amoureux
de la Marquise de Maintenon, issue de la Martinique, qui achète le
château de Maintenon à Charles François d'Angennes, un flibustier
devenant en 1678 le plus riche planteur de Martinique.
L'arrivée
des Français et des Anglais en 1674 sur les côtes d'Afrique fait
brutalement monter le prix des esclaves, entraînant le développement de
nouveaux circuits d'approvisionnement à l'intérieur du continent, qui
affaiblissent les sociétés africaines traditionnelles.
L'arrivée
en masse de nouveaux esclaves aux Antilles fait parallèlement baisser
leur prix d'achat par les planteurs de canne à sucre, tandis que la
production de sucre progresse très vite, ce qui a pour effet d'abaisser
le prix de cette denrée sur le marché mondial, et de favoriser sa
consommation en Europe.
Pour
laisser la voie libre aux planteurs de sucre, Jacques II et Louis XIV
tentent d'évincer les petits planteurs de tabac de la Barbade et de
Saint-Domingue, par ailleurs soupçonnés de collusion avec les
flibustiers. En France, la ferme du tabac est un monopole créé en 1674.
Le prix d'achat aux planteurs est abaissé et le prix de vente au
contraire relevé. Du coup, la production est découragée et la plupart
des consommateurs préfèrent s'approvisionner en tabac de Virginie et du
Maryland, où Jacques II vient justement d'octroyer à des aristocrates
catholiques des terres pour créer d'immenses plantations de tabac qui
fonctionnent, elles, à base d'esclaves.
Deuxième étape, du milieu du XVIIe siècle
au début du XIXe siècle La
traite atlantique ne prit véritablement son essor qu'à partir du
dernier tiers du XVIIe siècle
Au
total, 90 % de cette traite a eu lieu après 1672 et la création en
Angleterre de la Compagnie royale d'Afrique, qui a surtout
approvisionné la Jamaïque et en France de la Compagnie du Sénégal pour
alimenter l'île de Saint-Domingue.
L'accroissement
de l'activité négrière européenne
Trois
phénomènes concurrencèrent à accélérer la demande des négriers
européens : des produits se firent plus rares (l'or et l'ivoire)
ou étaient concurrencés (le poivre de malaguette par les épices des
Indes) ; la canne à sucre était mise en production au Brésil et
dans les Antilles ; le choix d'esclaves africains s'imposa aux
exploiteurs
Au
milieu du XVIIe siècle, la
Compagnie néerlandaise des Indes occidentales
(ou W.I.C.) était toute puissante. Les Hollandais s'étaient implantés
au Brésil et ils avaient enlevé Elmina. Leur position sur la traite fut
renforcée par différents accords : l'asiento en 1662, puis
l'accord entre l'Espagne et la firme Coijmans d'Amsterdam en 1685 et
celui signé avec les assientis de la compagnie portugaise de Cacheu en
1699. Mais cette toute puissance ne dura pas. Ils furent supplantés par
les Anglais et les Français. Le monopole de la W.I.C. pour le commerce
avec l'Afrique dura jusqu'en 1730, et celui pour la traite jusqu'en
1738. Avec l'ouverture au commerce libre, le nombre de captifs déportés
par les Hollandais augmenta. Entre 1751 et 1775, le nombre de déportés
s'éleva à 148 000.
- L'Angleterre
/ La Grande-Bretagne
Visage africain d'un mascaron de la
Place de la Bourse à Bordeaux
17
ports français participèrent à 3317 expéditions négrières. Nantes fut
le principal port négrier français à partir du quai de la Fosse. 1427
expéditions y furent armées, soit 42 % de la traite française.
D'autres ports armèrent de nombreux négriers : La Rochelle (427),
Le Havre (399) et Bordeaux (393). Et il y eut aussi Saint-Malo (216),
Lorient (156), Honfleur (125), Marseille (82), Dunkerque (44),
Rochefort (20), Vannes (12), Bayonne (9), Brest (7).
Le
démarrage de la traite française fut tardif. Bordeaux en 1672, Nantes
et Saint-Malo en 1688 expédiaient leurs premiers négriers. Avant 1692,
42 négriers étaient partis de La Rochelle. Entre 1745 et 1747, il y eut
en moyenne 34 expéditions négrières par an. Entre 1763 et 1778, il y en
a eu 51 par an. Entre 1783 et 1792, il y en a eu 101 par an.
Une relative
concentration de l'offre africaine
Du milieu du XVIIe siècle
au début du XIXe siècle,
la traite entre Européens et Africains se mit en place sur toutes les
côtes africaines :
- sur la côte sénégambienne, les Français, les
Britanniques et les Portugais commercèrent avec les Ouolofs, les
Sérères, les Manden, les Dyulas, les Balantes et les Felupes.
- Sur les côtes des rivières du sud, les
Portugais traitèrent avec les Lançados, les Bijagos, les Kokoli, les
Nalu, les Sosoe, les Baya et les Tyapi.
- Sur les côtes de Sierra Leone, les Britanniques
commercèrent avec les Bulu, les Sherbo, les Krim, les Temne, les Kono,
les Morodugu et les Vaï.
- La côte des dents renfermait quelques foyers
négriers
- Sur la côte de l'or et la côte des Esclaves,
les Européens s'implantent dans des forteresses mais leur influence est
soumise à l'autorité africaine d'États côtiers très puissants (Nzima,
Akan, Fante, Ewe, Ge, Huéd, Hula, Fon, Yoruba).
- La côte béninienne et l'orient du delta du
Niger. L'autorité était purement africaine, soit sous la forme
monarchique, soit sous celle qu'on a nommé « Cités-États ».
La population était Yoruba et Ibo. On y trouvait de nombreuses ethnies
minoritaires comme les Ijo, les Ibibios, les Efik, les Aro, les Ekoi,
les Efut.
- La côte du Gabon, sous autorité africaine, de
peuplement Mpongwè.
- La côte du Loango, sous royauté africaine, de
peuplement Vili.
- La côte de l'Angola, sous autorité coloniale
portugaise et autorité locale africaine, dont les principaux
peuplements étaient Mbundu et Jaga.
L'offre africaine était cependant relativement
concentrée au XVIIIe siècle :
dans le golfe du Guinée, il y avait la Côte-de-l'Or et la côte des
Esclaves ; en Afrique centrale, les trois quarts des captifs
étaient vendus entre Cabinda et Luanda, un espace côtier long de 300
miles ; des sites côtiers comme Ouidah.
Développement
Au
siècle des Lumières, la demande de produits américains en Europe
occidentale connaît une croissance très forte : ce fut le cas par
exemple du sucre, notamment celui de la colonie de Saint-Domingue, dont
la production fut intensifiée par l'emploi d'environ 550 000
esclaves au XVIIIe siècle.
La consommation de sucre, qui était quasiment nulle au XVIe siècle, était passée à 4
kilogrammes par personne et par an à la fin du XVIIIe siècle5. Ces besoins nouveaux
avaient entraîné la création de nouvelles plantations et l'apport d'une
main d'œuvre toujours plus importante qui n'existait pas sur place.
Le
Brésil avait été la première destination des navires négriers : au
total, plus de 40 % des déportés du commerce triangulaire y furent
transportés
Troisième
étape, le XIXe siècle
La
demande occidentale, entre résistance et déclin
La traite négrière occidentale avait amorcé un
déclin à partir du début du XIXe siècle.
Cependant, la traite restait très dynamique jusqu'en 1850, date à
laquelle ce trafic se réduisit fortement pour s'arrêter en 1867. Sur le
XIXe siècle,
l'activité négrière occidentale change de nature. Après avoir été
monopolisée, puis libéralisée par les États, l'activité négrière
devenait illégale.
Le 16
mars 1792 une ordonnance du Roi du Danemark et de Norvège prévoit
l'interdiction de la traite négrière pour les sujets de son royaume et
l'interdiction de l'importation d'esclaves sur son territoire à compter
de 18037. En
1807, les Britanniques interdirent la traite. Les autres États
européens suivirent le même chemin, mais ils n'étaient pas pressés de
le faire. Et quand ces États interdirent la traite, leurs
ressortissants négriers continuèrent dans l'illégalité. Évidemment ces
décisions étaient prises sans aucune concertation avec les royaumes
africains. Ces derniers continuèrent à faire des esclaves pour leur
propre compte. Face à l'interdiction de la traite, des Européens
souhaitèrent s'implanter en Afrique pour mettre en place des systèmes
de plantations similaires à ceux des Amériques. Au Sénégal, Faidherbe
lutta contre ces projets.
En
1807, les États-Unis et le Royaume-Uni abolissaient officiellement la
traite des Noirs. Les autres nations européennes prenaient le même
chemin avec le Congrès de Vienne de 1815. Cependant la traite fut
poursuivie durant des dizaines d'années de façon clandestine. Le
dernier envoi clandestin connu d'esclaves du Mozambique au Brésil eut
lieu en 1862.
En
France, après 1815, la traite illégale se poursuivit avec l'assentiment
tacite des autorités. Elle était présentée comme un moyen de résister
aux Britanniques soupçonnés de vouloir affaiblir l'économie nationale.
Il fallut attendre les années 1820 pour voir la marine royale française
lutter efficacement contre les trafiquants.
En
fait c'est l'abolition de l'esclavage (en 1833 en Grande Bretagne et en
1848 en France) qui mit un terme définitif à la traite négrière pour
les Britanniques et les Français. (Par contre l'esclavage a continué
d'exister au Brésil jusqu'en 1888 ).
Une offre africaine
toujours concentrée En
Haute Guinée et en Sénégambie (5 000 captifs par an jusqu'en
1850), le trafic s'était concentré dans la région de Gallinas. Lagos et
Ouidah vendaient 60 % des captifs exportés de la baie du Bénin
(10 000 captifs par an jusqu'en 1850). Dans la baie de Biaffra 9 à
12 000 captifs par an jusqu'en 1840. Les ventes s'effectuaient
surtout à Bonny et aux deux Calabar. Le Congo et l'Angola vendaient
48 % des captifs de la traite atlantique du XIXe siècle.
Ces ventes s'effectuaient à Loango, Cabinda, Ambriz, pour le Congo, et
à Luanda et Benguela, pour l'Angola
Poursuite
par l'engagisme Forme déguisée de la traite lorsqu'elle
affranchissait, une fois achetés et sur le bateau, des noirs réduits en
esclavage sur la côte d'ivoire, l'engagisme dans sa première forme fut
tellement décrié comme perpétuation du commerce triangulaire qu'il fut
presque aussitôt aboli.
La seconde tentative de faire venir des coolies chinois dans
les Caraïbes fut également un échec ; cette fois pas parce qu'ils
fussent esclaves déguisés, mais parce que les maîtres des plantations
trouvaient que ces serviteurs engagés renâclaient à la besogne.
La troisième tentative fut un tel succès qu'elle apporta le
troisième peuplement exogène des Caraïbes. Il s'agissait des Indiens du
sous-continent, en majorité provenant de l'Empire britannique des
Indes, mais également d'autres passant par les comptoirs français de
Chandernagor et Pondichéry.
Nombre de
déportés des traites occidentales Des statistiques
de plus en plus précises
Dans Les Traites négrières, Essai d'histoire globale,
Olivier Pétré-Grenouilleau écrit
« Il a fallu attendre 1969 et la publication du fameux The
Atlantic Slave Trade. A census, de Philip D. Curtin, pour que
l'histoire quantitative de la traite par l'Atlantique sorte
véritablement des brumes de l'imaginaire. Ce que les historiens
anglo-saxons appellent le « jeu des nombres » débutait alors.
Pour la première fois, les travaux portant sur la question étaient
passés au crible de l'analyse critique historique. L'étude de Curtin
venait à un moment où l'histoire de la traite des Noirs prenait son
envol. C'était également l'époque où la New Economic History
commençait à s'affirmer dans le monde anglo-saxon. Une histoire
empruntant à l'économétrie qui a, de suite, trouvé dans la traite par
l'Atlantique un formidable levier. Les résultats du Census, de
Curtin, ont donc été immédiatement à l'origine de vastes débats,
contribuant à impulser de très nombreuses recherches. En 1999, un
CD-Rom était publié recensant 27 233 expéditions négrières, réalisées
entre 1595 et 1866 Reprises et commentées par Herbert S. Klein, dans un
livre sorti la même année, complétées par David Eltis, dans un article
paru en 2001, ces données seront encore affinées, lors de la
publication d'un nouveau Census, annoncée par Steven Behrent,
David Eltis et David Richardson. Tout cela fait du trafic atlantique la
traite aujourd'hui la mieux connue, d'un point de vue statistique.
Aucune autre migration humaine de l'histoire -forcée ou non - n'a sans
doute été étudiée avec un tel luxe de détails. »
« Il n'y a certes pas d'accord total sur les chiffres.
Ainsi bien qu'ayant révisé ses estimations à la baisse, Joseph Inikori
indiquait en 2002, qu'environ 12 700 000 Africains avaient
été déportés à travers l'Atlantique. Cependant, un consensus général se
dessine, confirmant les analyses d'ensemble de Curtin quant au volume
global de la traite, tout en les nuançant dans le détail, c'est-à-dire
dans ses rythmes. Selon lui, 9,5 millions d'Africains auraient été
introduits dans les différentes colonies du Nouveau-Monde et, compte
tenu de la mortalité au cours du middle passage, 11 millions,
environ, seraient partis d'Afrique. Lors d'un colloque tenu à Nantes en
1985, Catherine Coquery-Vidrovitch annonçait que 11 698 000
Africains auraient été déportés, ajoutant par ailleurs que ce que l'on
sait sur l'état des marines européennes de l'époque moderne ne permet
guère de penser que ce chiffre aurait pu être dépassé En 2001,
Eltis arrivait à un total de 11 062 000 déportés et de
9 599 000 esclaves introduits dans les Amériques entre 1519
et 1867 Ce sont ces dernières données utilisées ici. Elles ont été
élaborées à partir de sources de première main extrêmement variées,
puisées dans les trois continents ayant été impliqués par la traite par
l'Atlantique. »
En décembre 2008, David Eltis lance la plus large base de
données consacrée à la traite négrière atlantique : The
Trans-Atlantic Slave Trade Database, elle fait état de
12 521 336 déportés entre 1501 et 1866
Rythme de la traite par
l'Atlantique
|
Nombre de captifs en milliers |
Pourcentage |
Entre 1519 et 1600 |
266,1 |
2,4 % |
Entre 1601 et 1650 |
503,5 |
4,6 % |
Entre 1651 et 1675 |
239,8 |
2,2 % |
Entre 1676 et 1700 |
509,5 |
4,6 % |
Entre 1701 et 1725 |
958,6 |
8,7 % |
Entre 1726 et 1750 |
1 311,3 |
11,9 % |
Entre 1751 et 1775 |
1 905,2 |
17,2 % |
Entre 1776 et 1800 |
1 921,1 |
17,4 % |
Entre 1801 et 1825 |
1 610,6 |
14,6 % |
Entre 1826 et 1850 |
1 604,5 |
14,5 % |
Entre 1851 et 1867 |
231,7 |
2,1 % |
Total |
11 061,8 |
Le pic
fut atteint entre 1751 et 1800 avec une moyenne de 76 000 départs
par an En prenant en compte l'évolution du taux de croissance,
certaines nuances apparaissent. Ainsi, si entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle, le rythme
d'accroissement moyen annuel de la traite était de 3,3 %, il se
stabilisa autour des 2,2 % entre 1500 et 1700, pour ensuite ne
progresser que de 0,7 % pendant les quarante premières années de
du XVIIIe siècle. Il y a
ensuite stabilisation puis le recul s'observa à partir de 1790. Le XVIIIe siècle peut donc être
coupé en deux : la première partie enregistrant une constante
progression quoique ralentie ; la seconde se caractérisant par une
stabilisation puis par le déclin
Régions
de départ des esclaves de la traite atlantique
|
Afrique centrale |
Baie du Bénin |
Baie du Biafra |
Côte de l'Or |
Haute Guinée |
Séné- gambie |
Afrique de l'Est |
---Total--- |
Entre 1519 et 1675 |
787,4 (78,0 %) |
35,0 (3,5 %) |
94,8 (9,4 %) |
51,3 (5,1 %) |
2,0 (0,2 %) |
34,8 (3,5 %) |
3,2 (0,3 %) |
1 009,0 |
Entre 1676 et 1800 |
2 473,8 (37,4 %) |
1 453,4 (22,0 %) |
963,8 (14,6 %) |
922,9 (14,0 %) |
367,8 (5,6 %) |
349,1 (5,3 %) |
75,2 (1,1 %) |
6 606,0 |
Entre 1801 et 1867 |
1 626,4 (47,1 %) |
546,5 (15,9 %) |
459,1 (13,3 %) |
69,0 (2,0 %) |
225,2 (6,6 %) |
114,5 (3,3 %) |
406,1 (11,8 %) |
3 446,8 |
Tota |
4 887,6 |
2 034,9 |
1 517,7 |
1 043,2 |
595,5 |
498,4 |
484,5 |
11 061,8 |
Pourcentage |
44,18 % |
18,4 % |
13,8 % |
9,43 % |
5,38 % |
4,5 % |
4,38 % |
100 % |
Nombre de captifs par milliers
Principales
régions d'arrivée des esclaves
|
Brésil |
Antilles britanniques |
Antilles françaises |
Amérique britannique continentale |
Amérique espagnole continentale |
Antilles espagnoles |
Antilles néerlandaise |
Guyane |
---Total--- |
Entre 1519 et 1675 |
273,1 |
117,7 |
8,5 |
2,3 |
339,3 |
0 |
40,8 |
8,2 |
789,93 |
Entre 1676 et 1800 |
1 854,3 |
1 990,5 |
1 005,9 |
285,3 |
64,9 |
73,6 |
88,9 |
318,9 |
5 682,3 |
Entre 1801 et 1867 |
1 774,8 |
130,0 |
78,3 |
73,4 |
26,2 |
718,3 |
0 |
76,6 |
2 877,6 |
Total |
3 902,2 |
2 238,2 |
1 092,7 |
361,0 |
430,4 |
791,9 |
129,7 |
403,7 |
9 349,83 |
Nombre de captifs par milliers
Nombre de
déportés par pays européen
|
Portugal |
Angleterre / Grande-Bretagne |
France |
Provinces Unies |
Espagne |
États-Unis |
Danemark |
---Total--- |
Entre 1519 et 1675 |
757,3 |
140,2 |
5,9 |
105,8 |
0 |
0 |
0,2 |
1 009,4 |
Entre 1676 et 1800 |
2 044,1 |
2 715 |
1 135,3 |
419,6 |
9,6 |
198,9 |
83,5 |
6 606 |
Entre 1801 et 1867 |
2 273,5 |
257 |
315,2 |
2,3 |
507,4 |
81,1 |
10,5 |
3 447 |
Total |
5 070,9 |
3 112,2 |
1 456,4 |
527,7 |
517 |
280 |
94,2 |
11 062,4 |
En pourcentage |
45,8 % |
28,1 % |
13,2 % |
4,8 % |
4,7 % |
2,5 % |
0,9 % |
100,0 % |
Nombre de captifs par milliers
Aspects économiques
Le
quart du trafic contrôlé par 4 % des familles négrières
Selon l'historien Robert Stein, à Nantes,
Bordeaux, La Rochelle, Le Havre et Saint-Malo, 550 familles arment au
total 2 800 navires pour l’Afrique au XVIIIe siècle.
Parmi elles, 22 (soit 4 % de l’ensemble) réalisent ¼ de
l’armement. La large étude des associés et l’émergence d’une élite
managériale étaient les réponses rationnelles au caractère risqué du
trafic négrier, et ce quel que soit le lieu
Les membres de cette aristocratie négrière
occupent souvent le haut du pavé. Au XVIIIe siècle,
dans les grands ports européens, ils fournissent en notables le négoce
et les institutions. Présents dans les sociétés ou cercles culturels,
ils affichent leur réussite à travers les façades de leurs hôtels
particuliers, leurs propriétés rurales et leur style de vie. Leur
aisance, leur influence, leur prestige et leur capacité à mobiliser
plusieurs types de « capitaux » (économiques, culturels,
symboliques, politiques…) peuvent leur ouvrir les portes du pouvoir. La
plupart des maires de la Restauration (1815-1830) ont été des négriers
illégaux notoires. Par l’intermédiaire de parents, d’alliés, d’amis,
ces hommes infiltrent les sphères nationales du pouvoir, formant des
lobbys.
Un
trafic à la rentabilité aléatoire
La rentabilité en moyenne au plus fort de la
traite
L'idée que les bénéfices des navires négriers
étaient extraordinaires, nettement supérieurs à 100 %, enflamma
l'imaginaire de plusieurs générations. Pourtant de récents travaux sur
la rentabilité de la traite occidentale tendent à montrer que les
profits étaient très loin d'être faramineux :
- Selon
W.Unger, les actionnaires hollandais de la Midelburgsche commercie
Compagnie ne retirèrent qu'un profit moyen annuel de 2,1 % entre
1730 et 1790
- Selon
J. Postman, sur la traite hollandaise (entre 1600 et 1815), les gains
étaient de l'ordre de 5 à 10 % pour 54 % des expéditions.
Même la traite libre connaissait des pertes.
- Pour
J. Meyer, les gains pour les Nantais se situaient entre 4 et 10 %.
- Selon
D. Richardson, W. Davenport, négrier de Liverpool, aurait obtenu un
revenu moyen annuel de 10,5 % sur 67 expéditions entre 1757 et
1785 a cette époque, les placements classiques rapportaient
entre 4 et 6 %.
- A
Bristol, les profits des expéditions négrières étaient de 7,6 %
entre 1770 et 1792.
- Pour
R. Anstey, la rentabilité de la traite britannique s'élevait à
10,2 % entre 1761 et 1807. La traite britannique était la plus
rentable parce que le système bancaire britannique assurait une plus
grande rotation des capitaux et une meilleure rentrée des créances
coloniales (Colonial Debt Act de 1732). De plus, le coût des
marchandises de traite était moins élevé et le nombre de marins sur un
bâtiment britannique était moins important que sur un bâtiment français.
- Pour
Stephen Berhent, les profits de la traite britannique tournaient autour
de 7,1-7,5 % entre 1785 et 1807.
"Une sorte de loterie où chacun espère rafler
la mise"
Les chiffres présentés ci-dessus ne sont que des
moyennes et, à ce titre, ils doivent être fortement nuancés. Tous les
travaux se rejoignent pour indiquer une très grande irrégularité des
profits, à l'origine de réussites spectaculaires et de retentissantes
faillites :
- 18 des
67 expéditions de W. Davenport sont déficitaires.
- Selon
R. Stein, entre 1784 et 1786, la rentabilité des expéditions nantaises
oscille entre -42 % et + 57 %.
- En
1783, l'expédition négrière nantaise de la Jeune-Aimée rapporta
un profit de 135 %
- A
Bristol, un armateur qui organisa 30 expéditions de traite fit
banqueroute en 1726
La rentabilité de la traite indépendante au XVIIIe siècle Sur la traite
indépendante, les dangers étaient multipliés mais également les gains
potentiels. En effet, ces trafiquants ne subissaient pas certains coûts
des compagnies nationales à privilège (salaires des employés en
métropole et en Afrique).La rentabilité de la traite au XVIIe siècle et début XVIIIe siècle
À cette époque, les profits étaient importants et
même des compagnies à monopole connurent de bonnes fortunes.
- Ce fut le cas de la Compagnie royale d'Afrique
qui engrangea un profit moyen de 38 % entre 1680 et 1687 pour 99
traversée
- Au début du XVIIIe siècle,
la Compagnie des mers du Sud semble avoir fait un profit de 30 %
dans sa traite avec Buenos AiresCependant, Meyer pour les Français et
Unger pour les Hollandais montrent qu'il y a eu une baisse de la
rentabilité sur le XVIIIe siècle.
Bien que certains facteurs (standardisation des marchandises de traite
et essor des manufactures) contribuèrent à réduire les coûts, d'autres
(concurrence accrue, instabilité militaire sur les mers, augmentation
considérable de la valeur des êtres humains en Afrique..), plus
nombreux, avaient conduit à une baisse de la rentabilité.
Les profits au XIXe siècle
Ils dépassèrent ceux du siècle précédent.
- Le Cultivateur, négrier nantais,
rapporta un profit de 83 %.
- Selon Howard, même si les Britanniques
capturaient un bateau sur deux, le profit était de 100 %
De gros négociants déportant des esclaves
« illégalement », que ce soit à Cuba ou au Brésil, auraient
fait faillite, a moins qu'ils n'aient investi dans les plantations de
sucre ou de café. Il semble également que beaucoup de négriers aient
exagéré leurs profits à cette époque
La
traite dans les économies occidentales La traite, à
l'origine du financement de la révolution industrielle ?
Pour Karl Marx, les sources de
« l'accumulation primitive » à l'origine de la révolution
industrielle étaient l'expropriation paysanne puis la traite et
l'exploitation esclavagiste. E. Williams en 1944 a soutenu que la
traite, à elle seule, avait suffi au financement du take-off
britannique. À la suite de très nombreuses études sur la révolution
industrielle et l'industrialisation en Europe, cette thèse est
aujourd'hui dépassée :
- selon François Crouzet, les premiers
capitalistes de l'ère industrielle étaient issus des strates de la
petite et de la moyenne bourgeoisie et les capitaux qu'ils avaient à
leur disposition étaient modestes et facilement empruntables. Ces faits
infirment la thèse d'une indispensable accumulation du capital pour
expliquer les débuts de l'industrialisation (mais ce sont surtout les
progrès techniques qui permirent la révolution industrielle en
Angleterre (puis sur le continent) : invention de la machine à
tisser (métier Jacquart) , de la machine à vapeur, de la locomotive à
vapeur, de la production d'acier avec des procédés modernes, de
machines agricoles etc);
- les profits de la traite n'avaient pas atteint
des sommets ;
- d'autres facteurs, comme l'essor des campagnes,
du commerce intérieur et la constitution d'un marché unifié, avaient
joué un rôle déterminant dans le démarrage de la révolution
industrielle britannique ;
- selon S. Engerman, l'apport du capital négrier
dans la formation du revenu national était rarement supérieur à
1 %, le maximum étant atteint en 1770 avec 1,7 % ;
- R. Anstey estime que la contribution du trafic
négrier dans la formation du capital britannique se situa en moyenne
autour de 0,11 % ;
- O. Pétré-Grenouilleau montre que les négriers
nantais, élites dominantes jusqu'en 1840, investirent dans la banque et
les assurances, contribuèrent à l'essor des méthodes de l'agriculture
nouvelle, s'intéressèrent à la conserverie, à la construction navale et
à la metallurgie. Il y a eu des croissances, parfois spectaculaires,
dans certains secteurs mais Nantes n'a pas connu de développement
économique. En diversifiant leurs investissements plutôt que d'investir
de manière réelle et durable, les négriers nantais comme en
Grande-Bretagne et partout en Europe, étaient des négociants et non des
industriels.
La traite, le débouché de la production européenne
Pour P. Boulle, la traite n'a été « qu'un apport parmi
d'autres au développement » de la Grande-Bretagne. C'est la
multiplicité de ses marchés et l'intégration de ses secteurs
économiques" qui fournirent à l'industrie les moyens de soutenir son
développement. Au début du siècle, la part de l'Afrique dans le
commerce extérieur n'était que de 2 %. Sur le XVIIIe siècle,
la traite britannique s'était fortement accrue (50 % de la traite
négrière) si bien qu'en 1760, 43 % des toiles exportées étaient à
destination de l'Afrique. Mais l'Amérique et les Antilles, qui
offraient alors un débouché presque aussi large, prirent une place de
plus en plus importante au cours du temps. Quant au marché intérieur,
il devient le principal débouché de l'industrie britannique après 1750.
En France, la traite (qui représentait 20 à 25 % du
trafic négrier vers 1750) fit naître des industries locales. Mais
celles-ci périclitèrent.
Pour les Provinces-Unies, elles avaient subi l'effet pervers
ou boomerang de leur réussite commerciale : la masse et le
bon marché des produits n'y permettaient pas l'implantation
d'industries nationales.
Rôle de la traite dans le développement économique
Personne aujourd'hui ne conteste le rôle primordial de la
traite dans l'extension du système de la grande plantation, dans
l'essor des productions coloniales, ainsi que dans l'accroissement du
commerce international de ces produits. Il est indéniable que le
commerce international des produits des colonies était profitable,
qu'il permit une croissance spectaculaire du trafic maritime et qu'ils
ont été nombreux à y faire fortune. Mais ce n'est pas la cause
du développement occidental.
- Paul Bairoch montre que le commerce intra-européen avait joué
un rôle beaucoup plus important que le commerce colonial dans l'essor
du Vieux Continent.
- Pour Eltis, la traite constituait une part si infime du
commerce atlantique des puissances européennes que, même en imaginant
que les ressources employés dans la traite n'auraient pu être employées
ailleurs, sa contribution à la croissance économique des puissances
européennes aurait été insignifiante. Lorsque la traite britannique
fut à son maximum cela ne dépassait pas les 1,5 % des navires la
flotte britannique et les 3 % de son tonnage. Quant au produit
brut des colonies esclavagistes britanniques, il n'était guère plus
élevé en 1700 que celui d'un petit comté britannique, et il
correspondait à peine à celui d'un comté un peu plus riche en 1800. Il
disait même « la taille et la complexité de l'économie britannique
au début du XIXe siècle
suggère l'insignifiance, et non l'importance du sucre. La croissance
d'aucune économie ne peut en effet, quel que soit le lieu, dépendre
d'une seule industrie »Petre
46. Eltis en conclut que la Grande-Bretagne aurait pu connaître
un important développement économique en l'absence de ses relations
avec l'Afrique et avec l'Amérique.
- Pour la France, l'interruption de la traite (entre 1792 et
1802, puis entre 1803 et 1815) n'a pas provoqué un arrêt de l'économie
française.
- Les origines de la révolution industrielle sont lointaines et
globales. Certains historiens n'hésitent pas à les faire remonter au
Moyen Âge. Ainsi les marchés intérieurs européens et la formation
précoce d'un marché national unifié en Grande-Bretagne (progrès des
transports et petite taille du pays) ont joué un rôle important. La
relative pénurie de main d'œuvre a pu pousser la Grande-Bretagne a créé
des machines.
- L'importance du commerce colonial dans le commerce total, si
elle avait été spectaculaire au cours du XVIIIe siècle,
doit être nuancée. En France, la croissance avait été réelle entre
1716-1736 et 1748. À la fin du XVIIIe siècle,
la croissance du commerce extérieur français s'explique par la flambée
des prix des produits coloniaux alors que les prix des autres produits
reculent. Ensuite, une grande partie des produits coloniaux était
immédiatement réexportée sans avoir été transformée (de 17,7 % en
1716, elle était de 33 % en 1787). La « colonisation »
de l'économie française conduit à un trafic peu
« productif ». Ce commerce profitait aux négociants, aux
différents intermédiaires et à l'État.
Il faut également remarquer que la 'valeur ajoutée
' de cette activité servile était finalement faible : à part la
production de sucre (facilement remplaçable, à l'époque, par la
production de miel) et de tabac (pas vraiment utile pour la vie des
gens de l'époque) , cette activité ne générait que peu de bénéfices
(par rapport aux autres activités en Europe) , surtout si l'on
considère les investissements coûteux pour y arriver :
construction de navires, embauche d'équipage, fabrication de viande ou
poisson salés en quantité etc.
Autres
aspects La position de la papauté
L'omniprésence des Portugais le long des côtes
africaines de l'Atlantique durant cette période s'explique aussi par la
politique des papes à l'égard de l'Afrique :
- En
1442, le pape Eugène IV, par la bulle pontificale, Illius qui
approuva les expéditions du prince Henri le Navigateur en Afrique
- Puis
le pape Nicolas V publia deux bulles, Dum diversas et Romanus
pontifex
- La
première bulle, 1452, donna toute latitude aux Portugais pour attaquer,
conquérir et soumettre les Sarrasins, païens et autres incroyants.
L'emploi très fréquent du terme Sarrasin montre combien il était
préoccupé de la situation en Méditerranée. Sans doute le but était-il
de faire diversion et d'allumer des contre-feux pour éviter la chute de
Constantinople, ce qui arriva l'année suivante.
- La
seconde bulle, du 8 janvier 1454, approuva ce que les
Portugais avaient entrepris et accueillit avec grand enthousiasme tant
les découvertes que les installations en Afrique, encouragea les rois à
convertir au christianisme les populations locales et donna son
approbation expresse au monopole commerciale des Portugais en Afrique.
Les conquêtes au sud du cap Bojador seraient à jamais portugaises. Il
en était de même de « toute la côte de Guinée, incluant les
Indes » (ce nom désignant alors à peu près tous les territoires
censés se situer sur la route de la Chine).
- Enfin,
son successeur, Calixte III, publia la bulle Inter caetera en
mars 1456
Les
Portugais obtinrent également du pape qu'il déclare que le Portugal
avait conquis l'Afrique jusqu'à la Guinée. Fort de ces bulles, les
Portugais n'hésitèrent pas à arraisonner tout bateau qui se trouvait
sur les côtes africaines et à pendre l'équipage (surtout des Espagnols)
Toutes
ces fameuses bulles approuvant les expéditions portugaises avaient été
promulguées parce que la papauté estimait nécessaire d'agir avec
vigueur contre l'islam qui semblait menacer, après la chute de
Constantinople, l'Italie elle-même, autant que l'Europe centrale.
Calixte III déploya maints efforts pour mettre sur pieds une ultime
croisade. Les projets du prince Henri s'inscrivaient dans ce plan
d'ensemble En 1494, par le traité de Tordesillas, les zones d'influence
de l'Espagne et du Portugal étaient délimitées
Quant
à l'esclavage en particulier, en 1435, par la bulle Sicut Dudum,
Eugène IV condamne l'esclavage des habitants Noirs des îles Canaries.
Sous peine d’excommunication, tout maître d’esclave a quinze jours à
compter de la réception de la bulle pour rendre leur liberté
antérieure à toutes et chacune des personnes de l’un ou l’autre sexe
qui étaient jusque là résidentes desdites îles Canaries [...] Ces
personnes devaient être totalement et à jamais libres et devaient être
relâchées sans exaction ni perception d’aucune somme d’argent.
La
bulle Sublimis Deus de Paul III, du 29 mai 1537, interdit
totalement l'esclavage des Indiens d'Amérique. Il condamne sans appel
la pratique de l'esclavage, et qu'il dénonce comme directement inspirée
par l'Ennemi du genre humain, Satan.
Les
arguments contre l'abolition
- Les
arguments idéologiques
Les
négriers avaient la possibilité de baptiser l'ensemble des captifs
embarqués en Afrique. Par cet acte, les Noirs païens qui étaient « voués à l'enfer éternel », selon
les missionnaires chrétiens, avaient une chance d'aller au paradis.
C'étaient donc les esclaves, selon cet argument, les grands
bénéficiaires de l'opération. Pour certains hommes, notamment des
hommes d’Église, cet argument était essentiel
Mesure de
la ponction démographique de la traite
Il
apparaît très difficile d'évaluer les effets démographiques de la
traite négrière dont les chiffres restent hautement contestés. Le point
de départ de tout travail d'analyse est l'estimation de la population
d'Afrique subsaharienne au XVIe siècle.
En l'état actuel des connaissances, l'ampleur des variations des
estimations rend toute conclusion impossible.
Estimation
de la population d'Afrique subsaharienne
Auteur
|
Population
|
Période
|
Pétré-Grenouilleau
|
25
millions
|
début
du XVIIIe siècle
|
Louise
Diop-Maes
|
600
millions
|
XVIe siècle
|
Paul
Bairoch
|
80
millions
|
XVIe siècle
|
INED,
Histoire du peuplement et prévisions (2004), p. 201 & 202
|
70 à
90 millions
|
fin XVe siècle
|
Des chiffres
contestés
Certains
auteurs, à l'image de Philip Curtin ou d'Olivier Pétré-Grenouilleau ont
tenu pour négligeable les effets démographiques de la traite. Ils
s'appuient pour soutenir cette thèse sur une estimation du nombre moyen
annuel de déportés africains. Au plus fort de la traite, entre 1701 et
1800, ils estiment que près de 6 millions de captifs ont été déportés.
Cela correspond à une moyenne de 60 000 départs par an, soit
0,3 % d'une population estimée par Pétré-Grenouilleau à 25
millions d'habitants au début du XVIIIe siècle.
Ce pourcentage restait, selon les estimations du même auteur, bien
inférieur au taux d'accroissement qu'aurait alors connu l'Afrique noire
(aux environs de 1 % ?).
Les
partisans de cette thèse considèrent par ailleurs que « la nature polygame des sociétés africaines a
sans doute eu pour effet d’atténuer voire d’annuler en bonne partie cet
éventuel déficit des naissances consécutif à la déportation de la
population masculine ». Cet argument a été vivement attaqué
par les contradicteurs de Pétré-Grenouilleau : en dehors du fait
qu'il véhicule un stéréotype raciste qui renvoie les sociétés
africaines à une prétendue « nature polygame », il trahit
pour ses détracteurs une méconnaissance du fonctionnement réel de la
polygamie ainsi que des principes élémentaires de la démographie. Il
n'existe en effet aucun lien entre natalité et type d'union
matrimoniale. La polygamie, ou pour être plus précis la polygynie, ne
change en effet rien au taux de natalité des femmes : elle peut
même avoir pour conséquence de réduire ce taux, en instituant un délai
d’isolement après chaque naissance Pétré-Grenouilleau mentionne aussi
les décès de captifs survenus en Afrique. Il estime qu'en supposant
qu'il y ait eu autant de décès que de captifs déportés, cela n'aurait
pu que « localement » ralentir la croissance démographique et
parfois l'annuler complètement
Louise-Marie
Diop-Maes adopte une toute autre approche : elle tente de comparer
la population africaine du XVIe siècle,
c'est-à-dire avant le début de la traite, avec celle du XIXe siècle pour estimer les
effets globaux que la traite a pu avoir sur le développement
démographique de l'Afrique noire. Les sources dont disposent les
historiens pour effectuer de telles mesures sont extrêmement
lacunaires, en partie à cause de l'absence d'archives, et pourraient le
rester définitivement. Diop-Maes s'appuie principalement sur les récits
des voyageurs arabes pour estimer la taille des villes et la densité du
réseau urbain africain1 :
elle estime que la population était au XVIe siècle
de l’ordre de six cents millions (soit une moyenne d’environ trente
habitants au kilomètre carré)
Ces
chiffres constituent, dans l'état actuel des recherches sur le sujet,
une hypothèse haute. La fourchette des estimations effectuées jusque-là
variaient entre 25 millions (hypothèse basse reprise par
Pétré-Grenouilleau) et 100 millions d'habitants. Louise Diop-Maes
estime par ailleurs la population de l'Afrique noire des années
1870-1890 à environ deux cents millions d'individus: l'Afrique noire
aurait connu une réduction de sa population de quatre-cent millions
entre le milieu du XVIe siècle
et le milieu du XIXe siècle.
Dans l'hypothèse moyenne d'une stagnation de la population africaine
aux alentours de 100 millions d'habitants, Patrick Manning avance que
la part de la population d'Afrique noire dans la population mondiale
aurait chuté de deux tiers entre 1650 et 1850
En
adoptant des méthodes d'évaluation sensiblement différentes, le
démographe nigérian Joseph E. Inikori ou l'historien Walter Rodney ont
eux aussi conclu que les effets démographiques de la traite négrière
avaient été importants. Pour Inikori, le système économique africain de
l'époque qui différait sensiblement du modèle européen n'était pas
capable de faire une de telle perte humaine. Des baisses de population
localisées se sont transformées en problèmes plus généraux. Sans
parvenir aux chiffres avancés par Diop-Maes, Inikori estime que la
traite atlantique et les diverses calamités naturelles auraient fait
112 millions de victimes en Afrique noire.
Les
partisans d'un effet démographique massif mettent l'accent sur les
effets indirects engendrés par la traite : elle a créé en Afrique
noire un nouveau système d’organisation économique et sociale qui s'est
progressivement centré sur l’activité d’esclavage. L'esclave est devenu
la principale monnaie des individus et des États dans leurs relations
d’échange. Ce système a conduit à une recrudescence de guerres, de
razzias et de rapts, de chasse à l’homme permanente qui ont provoqué
l’arrêt des nombreuses activités productives que signalaient les
voyageurs arabes du XIe siècle
au XIVe siècle. Louise
Diop-Maes cite le déclin et la fermeture des prestigieuses universités
de Tombouctou et de Djenné comme indice des effets sociaux profonds de
l'intensification de la demande européenne en esclaves.
Elle
estime que la traite a eu pour conséquence « l’éparpillement et
l’isolement des populations, d’où progressivement le déclin des villes,
la réapparition de la vie sauvage à grande échelle, la différenciation
des mœurs, coutumes, entraînant l’émergence de nouvelles langues,
« ethnies » ; d’où aussi la perte de la mémoire
collective, l’ancrage de l’esprit de division, la déliquescence sociale
etc. : les individus, les groupes, les communautés, vont vivre
dans une méfiance excessive et morbide les uns des autres, chacun
considérant l’autre comme son plus grand ennemi
Le cas de
la Sénégambie
Les
conclusions générales tirées par Diop-Maes concordent avec les études
plus localisées réalisées par William Randles en Angola ou Martin Klein
en Sénégambie. Les études menées sur cette région de l'Afrique à
l'époque pré-coloniale permettent d'illustrer les différences de point
de vue existant encore sur les conséquences de la traite négrière.
Martin
Klein avance que, alors que la déportation des esclaves depuis la
Sénégambie était relativement réduite en nombre absolu, le trafic a
totalement désorganisé l'organisation politique locale (fin des grands
empires et émiettement politique extrême) et généré une violence
sociale importante. L'orientation générale des échanges vers le nord et
le Sahara a été bouleversé par la traite négrière qui a déplacé la
fenêtre d'ouverture du continent vers l'Atlantique (déclin des villes
sahariennes, couplé à la chute de l'Empire songhaï, indépendante de la
traite négrière, après la défaite de Tondibi contre le Maroc en 1591).
Ainsi les Wolofs du Waalo et les Toucouleurs du Fouta Toro ont
progressivement déserté, au cours du XVIIIe siècle,
la rive nord du fleuve Sénégal pour la rive sud et se sont vus
contraints de payer un lourd tribut aux Maures du Trarza et du BraknaNote 4.
À
l'inverse, Philip Curtin prétend que cette même région
n'aurait pas subi l'influence de la traite européenne, en restant en
marge des échanges internationaux. Un de ses disciples, James Webb,
amplifie les conclusions de son maître en affirmant que la traite
transsaharienne est plus importante à la même période que la traite
atlantique en Sénégambie. Les thèses de Curtin, et a fortiori
celles de Webb sur l'impact de la traite sur les sociétés africaines
ont été notamment critiquée par Joseph Inokiri, Jean Suret-Canale
Charles Becker et certains de ses anciens étudiants comme Paul Lovejoy
– ainsi que certains historiens sénégalais comme Abdoulaye Bathily ou
Boubacar Barry26.
Chronologie par pays
1888,
abolition de l'esclavage au Brésil.
1886,
Cuba abolissait l'esclavage.
1792,
Par ordonnance royale, le Danemark abolissait la traite à compter de
l'année 18037
1518,
Charles Quint autorisait la traite et l'esclavage.
1807,
les États-Unis abolissaient la traite.
1865,
les États-Unis abolissaient l'esclavage.
1315,
un Édit stipulait que tout esclave touchant le sol français devenait
automatiquement libre.
1594,
première expédition négrière française.
1626,
autorisation de déporter les premiers esclaves dans une colonie
française.
1642,
autorisation de la traite par Louis XIII.
1664,
création de la compagnie des Indes occidentales par ColbertPetre 47.
1685,
promulgation du «Code noir» par Louis XIV.
Sous
la régence de Philippe, duc d’Orléans, les Lettres Patentes de 1716 et
1727 permettaient aux principaux ports français «de faire librement le
commerce des nègres» et réduisaient de moitié les taxes sur les denrées
en provenance des colonies comme le sucre. Il restait à acquitter un
droit de 20 livres par Noir introduit aux îles.
1725,
sous Louis XV, fin du monopole effectif. La traite privée devenait
libre en échange de droits payés.
1767,
liberté totale de la traite sans droits à payer. La Compagnie des Indes
rétrocèdait les Mascareignes au roi ; début de la croissance
économique et intensification de l’esclavage.
1768,
les ports étaient exemptés du droit de 20 livres par Noir introduit aux
Iles, droit ramené entre temps à 10 livres.
1784
et 1786, Sous Louis XVI, les efforts financiers de l’État furent
grands : tout navire négrier recevait une prime d’encouragement de
40 livres par tonneau de jauge payée avant son départ et une prime de
160 ou 200 livres pour chaque captif débarqué dans la partie sud de
l'île de Saint-Domingue; ces efforts portèrent leurs fruits : les
armateurs même les plus timorés eurent de l’estime pour ce trafic.
1788,
création de la Société des amis des Noirs.
1791,
confirmation de l'esclavage dans les colonies par l'Assemblée
constituante française.
1793,
la Convention refusait d'abolir l'esclavage et supprimait les primes
pour la traite des esclaves.
1794,
Abolition de l'esclavage par la Convention mais la traite continue à
l'île Bourbon (aujourd'hui île de la Réunion) et à l'Île de France (île
Maurice).
20 mai
1802, la loi du 30 floréal an X maintenait l'esclavage dans les
colonies restituées (Martinique, Sainte-Lucie) par le Royaume-Uni à la
France.
16
juillet 1802, arrêté consulaire sur le rétablissement de l'esclavage
dans les colonies où il avait été aboli (Guadeloupe, Guyane,
Saint-Domingue).
1815,
Pendant les Cent-Jours, Napoléon décrètait l'abolition de la traite. Au
Congrès de Vienne, la traite était officiellement interdite.
1817,
Louis XVIII signait une ordonnance interdisant la traite en France.
1820,
établissement de croisières de répression le long des côtes africaines.
1829,
début de l'immigration indienne vers les colonies françaises.
1831,
troisième et dernière loi abolitionniste française.
1848
La France abolit l'esclavage dans toutes ses colonies (ce qui abolit
également la traite négrière réellement).
1849 Le
Tourville aurait été le dernier navire français à réaliser une
expédition négrière.
- Grande
Bretagne 1807, la Grande-Bretagne abolissait la traite.
- Hollande
1863, l'esclavage était aboli dans les
colonies hollandaises de Surinam et Curaçao.
- Portugal
1441 Début de la traite négrière occidentale.
Des navigateurs portugais ramènent les premiers esclaves noirs au
Portugal.
- Vatican1537,
Le pape Paul III condamnait la pratique de l'esclavage dans la bulle
Veritas ipsa
1839,
Le pape Grégoire XVI condamnait officiellement la traite négrière.
Réglementations
Le
premier code visant à réglementer l'esclavage date de 1680. Il a été
réalisé en Virginie. La Caroline fit de même en 1690
Le Code noir
français
En
France, le Code noir réglementait le traitement des esclaves dans les
colonies. Par certains côtés, l'esclave était considéré comme un être
humain, mais il était également une chose au sens juridique du terme,
placée en dehors de tout droit de la personnalité Promulgué en 1685 par
Louis XIV, le Code noir ne fut aboli qu'en 1848.
Un commerce de personnalités influentes
- En 1647, la Barbade compte déjà 4000 esclaves,
8 fois plus qu'en 1642. La spéculation sur le sucre explose. Le colonel
Hilliard, qui avait payé 400 livres sa plantation en 1642 en revend en
1647 la moitié à Thomas Modyford, futur gouverneur, pour 7000 sterling.
- En 1660, Charles II Stuart, retrouve son trône
et fonde la compagnie des aventuriers d'Afrique, dirigée par Thomas
Modyford jusqu'en 1669.
- En 1665, Sir John Yeamans et le colonel
Benjamin Berringer, planteurs de sucre de la Barbade, partent avec
plusieurs centaines d'esclaves dans la Province de Caroline, dont ils
deviennent gouverneurs, fonder l'expansion des grandes plantations de
tabac.
- En 1664, Thomas Modyford émigre avec 700 de ses
esclaves à la Jamaïque, devient gouverneur et implante l'économie
sucrière.
- En 1671, Thomas Lynch planteur et négociant
d'esclaves lui succède, après avoir vécu cinq ans en Espagne.
Conformément au souhait de Charles II de faire de la Jamaïque la
réserve d'esclaves de l'empire espagnol, il désarme les flibustiers,
pour assurer la stabilité.
- En 1672, la nouvelle Compagnie royale d'Afrique
reçoit le monopole de l'importation d'esclaves et construira des
dizaines de forts en Afrique. Son créateur est le duc d'York Jacques
Stuart, qui succède de 1685 à 1688 à son frère le roi Charles II.
- En 1676, le chef pirate Henry Morgan, arrêté en
1672 par la Royal Navy, devient gouverneur de la Jamaïque et l'un de
ses plus riches planteurs. Dans les années 1680, 8000 esclaves arrivent
chaque année dans l'île.
- En 1677, l'amiral Jean-Baptiste Du Casse,
directeur de la Compagnie du Sénégal, obtint le privilège de vendre aux
Antilles chaque année pendant 8 ans 2000 esclaves et devient en 1791
gouverneur de Saint-Domingue, où il acquiert une grande plantation.
- Dès 1678, son plus grand client fut le
capitaine Charles François d'Angennes, marquis de Maintenon. Après
avoir dirigé la flotte corsaire contre les hollandais, il devient le
plus riche planteur de la Martinique, qui ne comptait encore que 2600
esclaves en 1674.
- En 1701, Antoine Crozat prend la direction de
la Compagnie de Guinée, à qui Louis XIV impose désormais d'amener
« 3000 nègres pour chaque an aux îles ». Acquéreur de la
Louisiane en 1712, il y importe des esclaves et se heurte aux
amérindiens.
- Dès 1735, Antoine Walsh, leader de la
communauté jacobite des irlandais de Nantes et fils de Phillip Walsh,
qui a ramené en France Jacques II, est le premier négociant de Nantes.
Il finance les rébellions du jacobitisme et fait échec aux projets de
taxation du sucre.
- De 1748 à 1751, grâce aux capitaux parisiens
levés par société Grou et Michel et la société d'Angola, les familles
Grou, Michel et Walsh, à la fois alliées et rivales, contrôlent
48 % de la traite nantaise. Guillaume Grou avait épousé Anne
O'Shiell, sœur d'Antoine Walsh. Sans descendance, leur fortune (4,5
millions de livres) est confisquée en 1793.
- En 1771 et 1775, Thomas Sutton de Clonard,
actionnaire et officier de la Compagnie des Indes orientales, associé
du banquier Isaac Panchaud, achète une immense plantation sucrière à
Saint-Domingue pour 7,8 millions de livres
La traite
intra-africaine
C'est
la plus ancienne et la plus obscure, car la moins documentée, des trois
traites. Elle remonte au moins au XIe siècle,
a été stimulée par les deux autres, mais n'est devenue dominante qu'au XIXe siècle.
La
part de la traite intra-africaine dans l'ensemble de la traite a
fortement progressé au XIXe siècle,
selon le sociologue Peter Manning. Avant 1850, seulement un tiers des
captifs africains restaient sur place. Puis entre 1850 et 1880, leur
nombre devint supérieur à ceux des traites occidentales et orientales.
Après 1880, les interdictions de traite transatlantique commencent à
rendre leurs effets et la quasi totalité des captifs restèrent sur
place. Manning estime à 14 millions le nombre d'esclaves restant sur
place, soit l'équivalent de la moitié des captifs exportés par les
traites occidentales et orientales
Le
chercheur canadien Martin A. Klein estime lui que, bien avant 1850,
plus de la moitié des captifs restaient en Afrique occidentale. Selon
lui, même les années où l'exportation d'esclaves atteignait son
intensité maximale, les captifs restant sur place — principalement
des femmes et des enfants — étaient plus nombreux
La
traite atlantique n'est pas à l'origine de la traite inter-africaine,
mais l'augmente et entraine davantage de guerres tribales. Son
existence sert souvent de prétexte humaniste à la constitution des
empires coloniaux français, belges, allemand, italien et anglais qui,
en effet, y mettent fin mais au prix de la mise sous tutelle coloniale.
l'abolitianisme
Dès la
fin du XVe siècle, la
papauté condamne l'esclavage : c'est le cas de Pie II, de Paul
III, de Pie V, d'Urbain VIII ou encore de Benoît XIV29. Mais ne
pouvant le supprimer, elle cherche ensuite à améliorer les conditions
par une action auprès des esclaves (Sœur Javouhey, Pierre Claver,
Montalembert).
La
Révolution française abolit l'esclavage en février 1794, mais Napoléon
Bonaparte le rétablit en 1802 et organise l'expédition de
Saint-Domingue. L'abolition ne sera définitive qu'après la Révolution
de 1848. Dans la plupart des pays, au XIXe siècle,
la traite a été abolie bien avant l'esclavage.
Dès
1796, le gouverneur espagnol de la Louisiane, Francisco Luis Hector de
Carondelet, avait interdit toute importation d'esclaves. Son
prédécesseur Esteban Rodríguez Miró, avait banni en 1786 l'importation
d'esclaves nés dans la Caraïbe, la limitant à ceux qui venaient
d'Afrique. La piraterie des années 1800 dans la Caraïbe est liée à la
traite négrière illégale. La révolution haïtienne combat cette
piraterie, pour rendre la traite plus dangereuse et plus difficile.
Finalement,
la traite des Noirs est abolie par le
Royaume-Uni en 1807, les États-Unis en 1808, et en France, par le décret du 29 mars 1815, quand Napoléon revient au pouvoir
lors des Cent-Jours, confirmé par la suite par l'ordonnance royale du 8 janvier 1817 et la loi du 15 avril 1818. Ces
trois pays n'aboliront respectivement l'esclavage qu'en 1833, 1860 et
1848
Au
congrès de Vienne (1815), Talleyrand obtient de pouvoir participer aux
conférences initialement réservées aux quatre vainqueurs des guerres
napoléoniennes. Il promettra à Castlereagh de soutenir la position
britannique sur l'interdiction de la traite. Malgré l’abolition par
plusieurs pays, celle-ci continua de perdurer. En France, elle est
illégale mais pas clandestine : jusqu'au milieu des années 1820,
des négriers français sont armés à Nantes ou Bordeaux, à la vue de
tous. Ils bafouent ouvertement la loi. Entre 1815 et 1833, on recense
353 bateaux de traite à Nantes
Le
Royaume-Uni réprime la traite, grâce à la puissance de la Royal Navy,
pour des raisons d'équilibre économique. Mais les milieux d'affaires
français doutent de sa sincérité. Ils l'accusent de vouloir ruiner la
France. Continuer la traite apparaît comme un acte patriotique, pour la
richesse de la France.
La
traite négrière disparaît grâce à des accords entre la France et le
Royaume-Uni : le droit de visite. La Royal Navy croise sur les
côtes occidentales africaines. Leur mission : visiter les lieux de
la traite et même les navires marchands. Après 1835, on ne dénombre
plus que 20 navires français à s'être livrés à la traite. Le Brésil
abolit officiellement la traite en 1850(mais l'esclavage seulement en
1889 ce qui cause le renversement de l'empereur Pedro II), alors que le
dernier navire négrier arrive à Cuba en 1867
Si la
traite atlantique a disparu, une traite persiste entre l'île de
Zanzibar et le monde arabe. Alexandrie est de nouveau, dans la seconde
moitié du XIXe siècle,
l'un des principaux marchés à esclaves. On estime à 1,65 million de
personnes le nombre des victimes de la traite transsaharienne entre
1800 et 1880. Une nouvelle forme de traite apparaît : le commerce
des coolies ou coolie trade.
en définitiveOlivier
Pétré-Grenouilleau, l'historien qui met le plus l'accent sur la traite
orientale, a estimé, en 2004, à 42 millions le total de victimes pour
trois traites négrières :
- la
traite orientale, à destination du monde arabo-musulman : 17
millions de personnes ;la traite intra-africaine: 14 millions de
personnes, dont une partie revendue à des Européens ou des
Arabes ;la traite atlantique, par les Européens : 11 à 13
millions de personnes, dont l'essentiel à partir de la fin du XVIIe siècle.
En
1997, Hugh Thomas a estimé au total à 13 millions le nombre d'esclaves
« ayant quitté l'Afrique » lors de la traite atlantique, dont
11,32 millions arrivés à destination au moyen de 54 200
traversées. Il affecte au Portugal et sa colonie du Brésil 30 000
de ces traversées
Dans
ses estimations le Danemark est censé avoir déporté 50 000
esclaves avec 250 traversées. Or, selon l'historien danois Per Hernaes,
« on peut estimer aujourd'hui à environ 85 000 le nombre
total d'esclaves transportés sur des navires danois entre 1660 et
1806. »
En
2001, David Eltis arrivait à un total de 11 062 000 déportés
pour 9 599 000 esclaves débarqués aux Amériques, entre 1519
et 1867. Ce sont ses estimations que Petré-Grenouilleau a reprises dans
son livre Les Traites négrières, Essai d'histoire globale. En
décembre 2008, David Eltis lance la plus large base de données
consacrée à la traite atlantique : The Trans-Atlantic Slave
Trade Database, elle fait état de 12 521 336 déportés
entre 1501 et 1866
Quant
à l'historien Serge Daget, en 1990 voici ses estimations :traite
atlantique : 11,7 millions ;traite transsaharienne : 7,4
millions ;traite orientale : 4,28 millions.
En
1982, Joseph Inikori estime à 15 400 000 le nombre de
déportés par la traite atlantique, tandis que Paul Lovejoy proposait
11 698 000déportés (pour 9 778 500
débarqués) ; chiffre qu'il portera à 11 863 000 en 1989
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